Taleb Rabah, un des pionniers de la chanson kabyle, tire sa révérence. Il s'est éteint hier à l'âge de 85 ans, après un parcours artistique monumental. Natif du village de Tizit en 1930, dans la commune d'Illilten, un village perché sur la montagne du Djurdjura dont il a été la voix authentique. Taleb Rabah est issu d'une famille très pauvre. Très jeune, il apprend à travailler la terre avec son père. Paysan par excellence, Dda Rabah est resté l'amoureux de la terre même après l'envol de sa carrière d'artiste. Les citoyens de son village se souviennent que lorsqu'il revenait de France où il a émigré au début des années 50, "il ne venait qu'en octobre pour travailler la terre". Ils ajoutent qu'à chaque pause, "il prenait sa guitare qu'il grattait au grand plaisir des jeunes qui l'entouraient dans les champs". À 20 ans, il prend le chemin de l'exil et s'installe en Moselle. Après près de 5 années dans la sidérurgie, il quitte la Moselle sur ordre du FLN pour rejoindre la Fédération de France. C'est à Paris que le défunt découvre son don pour la chanson. Il compose ses titres et finit par enregistrer vers 1956, et ce après quelques mois d'expérience à la radio. Sa première chanson s'intitulait A Yemma. Quelques années plus tard, en 1959, affirment ses proches, Taleb Rabah, enregistre Ifuk zzit di lmesvah, s'ensuivront Taâldjets, Wiyak a bnadem et pleins d'autres titres. Après l'Indépendance, Taleb Rabah s'engage à la RTA, où il anime la célèbre émission des jeunes talents. C'est durant cette période que l'artiste s'affirme et donne une autre dimension à sa carrière qui compte pas moins de 150 titres. Dda Rabah, l'ami de tous, a côtoyé les plus grands artistes de l'époque, à l'image de Cheikh El-Hasnaoui, Slimane Azem, Oukil Amar... Durant les années 80, l'artiste est une source d'inspiration pour la jeune génération. Comme le dit, à juste titre Zedek Mouloud : "Il y a quelque chose de Taleb Rabah en nous." Ses amis témoignent et affirment qu'il n'était pas un artiste comme les autres, mais "un genre unique". Ferhat Mehenni a estimé qu'il était "l'artiste populaire de son temps. La Kabylie est triste de le perdre. Elle se consolera à l'écouter pour le faire vivre dans son cœur". Et d'ajouter : "Personnellement, je perds un ami et un aîné qui faisait partie du quatuor magique de la chanson kabyle des années soixante avec Cherif Kheddam, Akli Yahiaten et Kamel Hamadi", avant de rappeler qu'il était aux côtés des militants amazighs durant les années 90. "L'Ancien" se souvient que le 14 janvier 1994, "J'avais proclamé tamazight langue officielle avec Taleb Rabah et Cherif Kheddam". Medjahed Hamid estime que c'est encore un monument de la chanson kabyle qui nous quitte. "Grand poète kabyle qui a chanté tous les sujets de la vie", a-t-il encore dit, soulignant que "c'est un grand homme au grand cœur". Farid Ferragui considère, quant à lui, que "Taleb Rabah est un homme correct", qui est resté, malgré l'exil, "le paysan kabyle qu'il était". "Modeste et très simple", ajoute Ferragui, rappelant que l'artiste a pu, malgré les conditions de l'époque, "traiter des sujets avec un regard limpide et juste". Zedek Mouloud a souligné que Dda Rabah a donné le meilleur de lui-même à la chanson kabyle. "C'est un artiste qui a marqué ma carrière", reconnaît Zedek. S'agissant des funérailles du défunt, elles auront lieu dans son village natal, Tizit.