L'insaisissable Mokhtar Belmokhtar s'est empressé de revendiquer la prise d'otages de l'hôtel Splendid de Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, comme pour signer son retour sur la scène sahélienne et mettre en œuvre ses menaces, notamment celles de s'attaquer à la France (et les intérêts français) qu'il a cataloguée ennemi n°1 de l'islam. Le mode opératoire est le même qu'avec la prise d'otages de l'hôtel Radisson Blu de Bamako au Mali, le 20 novembre 2015, qui a fait 21 morts. Attentats spectaculaires qui coïncident avec la troisième année de l'intervention militaire française au Mali que n'a pas manqué, la semaine dernière, de rappeler un des chefs d'Al-Qaïda locale, Aqmi, dans un entretien à une agence d'information privée mauritanienne, en renouvelant les menaces contre la France, désormais première cible de tous les groupes terroristes activant dans la région, Aqmi, Ansar Eddine, FL Macina et Al-Mourabitoune. Groupes qui passent à une nouvelle stratégie basée sur une collaboration entre eux, matérialisée par l'attentat de Bamako, et menée par des éléments d'Aqmi et d'Al-Mourabitoune. Même si les spécialistes voient par la recrudescence des attentats revendiqués par Belmokhtar, sous l'angle d'une démonstration de leadership, que le chef d'Al- Mourabitoune qui a traversé les mouvements terroristes allant du GIA à Aqmi en passant par ses groupes "autonomes", les Enturbannés et les Signataires par le sang, avec en amont son expérience afghane qui lui a valu de perdre un œil et son surnom Belaouer. Ces deux derniers attentats prouvent également que "Le barbare du désert", comme le surnomme le journal Le Monde, demeure influent dans la région et a gardé, malgré sa fuite en Libye après l'opération Serval, ses réseaux, ses alliés, qu'ils soient des tribus targuies ou arabes dans le Nord-Mali. Cela même s'il a perdu la majorité de ses lieutenants dans l'opération de Tiguentourine (In Amenas) du 16 au 19 janvier 2013. Sa longue éclipse n'a pas véritablement déteint sur sa réputation. Pire, dans sa guerre de leadership, notamment avec l'Etat islamique, qui a fait son apparition dans cette zone avec le risque d'empiéter sur son territoire, ses activités et son "business" juteux de trafics en tous genres. Démonstration, également, par l'extension du territoire des ses actes criminels au-delà des frontières maliennes. Ainsi, il refait surface sur un terrain "modifié", avec une présence militaire internationale, mais bousculé également par celle de l'EI qui s'est rallié plusieurs groupes locaux dont le plus sanguinaire, Boko Haram du Nigeria, ancien allié d'Aqmi. Il signe aussi cette réapparition par son retour au bercail, la maison mère, Aqmi, qui l'a annoncé comme un événement. Et il fera vite l'événement avec ses attaques, particulièrement les prises d'otages du Radisson Blu et du Splendid. Mais par-delà la symbolique des cibles, qui s'inscrivent dans la droite ligne des orientations d'Iyad Ag Ghali, qui a recommandé aux groupes terroristes, pas seulement son groupe Ansar Eddine, de cibler les intérêts français où qu'ils se trouvent, ces deux attentats visent surtout à torpiller deux processus dans la région. La mise en œuvre du processus de paix au Mali en entretenant l'instabilité, qui ne profite qu'aux terroristes, et la mise en place d'une démocratie au Burkina Faso qui sort de 27 ans de dictature avec l'élection démocratique d'un nouveau président. Des projets, en définitive, dont l'objectif est de créer un climat constant d'insécurité pour poursuivre son "business" contrarié par les deux processus politiques. Djilali B.