La région du Sahel, particulièrement le Mali, risque de devenir le terrain de confrontation entre Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et l'organisation autoproclamée Etat islamique (EI/Daech). Dans un entretien à l'agence mauritanienne El-Akhbar, le nouveau chef de la filiale locale d'Al-Qaïda réitère son rejet de l'EI dont il estime les pratiques contraires à l'islam en s'attaquant précisément aux musulmans. L'Algérien, Yahia Abou el-Hammam, natif de Réghaïa, qui dirige le groupe terroriste depuis la mort de Nabil Makhloufi dans un accident, entre Gao et Tombouctou, au nord du Mali, prend clairement ses distances du groupe d'El-Baghdadi auquel il récuse d'ailleurs le statut de calife. Ce qui pourrait être compris comme une déclaration de guerre. Il n'est, en revanche, pas de même, concernant les relations d'Aqmi avec les deux principaux autres groupes activant dans la même région. À cette question, il répond qu'Al-Mourabitoune, Ansar Edine et le Front de libération du Macina sont des frères avec lesquels le groupe coordonne ses opérations. D'ailleurs, a-t-il précisé à l'agence qui demeure le média privilégié des groupes terroristes activant dans le Sahel, les derniers attentats commis au Mali sont le fait d'éléments appartenant à Al-Mourabitoune de Mokhtar Belmothar, d'Aqmi et d'autres avec ceux du FL Macina. Il évoque une complémentarité et une coordination sous la houlette d'un conseil consultatif mais n'ira pas jusqu'à évoquer une fusion. La raison, selon lui, et qui n'est pas une profonde divergence, est qu'Ansar Eddine d'Iyad Ag Ghali, principal groupe activant dans le Nord, la région de Kidal, s'inscrit dans un combat local pour l'instauration d'un émirat islamique au Mali alors qu'Aqmi combat les ennemis de l'Islam partout. Ce qui n'est, pour lui, pas une contradiction, l'objectif immédiat étant le même. Pour le moment. Parce que jusque-là, les intérêts des uns et des autres sont territorialement distincts avec des activités, contrebande, trafic d'armes, trafic de stupéfiants, réparties mais qui risquent à terme de provoquer des litiges. Mais le risque majeur est de voir ces groupes qui ont commencé à se redéployer, trois ans après l'intervention militaire française, fusionner pour constituer un bloc avec des groupuscules opérant sur plusieurs fronts sur tout le territoire malien et d'étendre leurs activités à toute la région. Un risque qui va, sans doute, s'accentuer avec le retour des "Libyens" dans les deux cas de règlement politique de la crise libyenne ou d'une intervention militaire étrangère. Une menace prise au sérieux par les services des pays voisins du Mali qui se concertent sur la prévention de cette éventualité pour anticiper les actions de ces groupes. Outre des accords bilatéraux de riposte, les voisins du Mali se concertent régulièrement à un haut niveau dans un effort sécuritaire en parallèle avec la mise en œuvre de l'accord de paix et de réconciliation au Mali dont les effets attendus auront un impact certain sur les activités terroristes dans toute la sous-région. Un projet qui se met en place laborieusement en raison des lenteurs mais aussi de la recrudescence des actes terroristes qui se sont étendus jusqu'à Bamako où la prise d'otage de l'hôtel Radisson Blu est le fait de deux éléments appartenant à Aqmi et à El-Mourabitoune. Djilali B.