"Au plan strictement théorique, le crédit à la consommation devrait relancer la demande, donc la croissance économique. Cependant, cela n'est valable que dans des économies de l'offre, ce qui n'est pas le cas de l'Algérie." Le crédit à la consommation, une mesure phare de la rubrique socioéconomique du gouvernement, devrait faire son entrée au plus tard le mois prochain. Tout le dispositif réglementaire est mis en place. Le gouvernement dit la concevoir en "un moteur de croissance économique", en ce sens qu'il vise la promotion de la production nationale. Néanmoins, ce mécanisme "salvateur" pour les ménages ne fait pas que des optimistes. C'est le cas de Akli Moussouni, économiste et expert en développement, et de Mourad Ouchichi, économiste et docteur en sciences politiques, qui le considèrent comme une"fumisterie". S'agissant de la première liste des produits éligibles, M. Moussouni considère qu'elle est "nulle ou aléatoire", en raison du faible taux d'intégration des produits, car tous assemblés à partir d'accessoires ou de matières premières importées. Et d'expliquer que "les véhicules, les motos, les équipements informatiques et cellulaires, l'audiovisuel, l'électroménager, dont les composants relèvent de multinationales connues." Pour cet expert, le crédit à la consommation a été mis en place "non pas pour relancer l'économie nationale, mais uniquement au profit des productions étrangères", expliquant qu'"au moment où on s'attend à de nouvelles politiques pour contenir une crise qui risque de plonger le pays dans une descente aux enfers, on s'aperçoit que le gouvernement continue, contre vents et marées, à soutenir les produits étrangers". Il dira plus loin, que le mécanisme est "contre-productif" pour l'économie nationale et constitue, selon lui, "une dilapidation des deniers de l'Etat". "L'option crédit à la consommation n'est engagée de par le monde que pour faire évoluer un modèle de consommation qui n'est pas prévu pour l'Algérie, dont le gaspillage à outrance pose un énorme problème", a-t-il souligné. À la question de savoir à qui profitera réellement le crédit à la consommation, M. Moussouni dira que "ce dispositif vient renforcer la spéculation autour des deniers publics mais c'est aussi une démarche aux conséquences incalculables, dont les seuls importateurs industriels tireront bénéfice". Un dispositif sur mesure pour la Renault Symbol Même constat de Mourad Ouchichi, qui estime que le crédit à la consommation n'a qu'un seul objectif, "aider Renault à écouler son produit au détriment de l'économie", et que "le reste n'est que garniture". Quant à son rôle sur la relance économique, il a estimé qu'"au plan strictement théorique, le crédit à la consommation devrait relancer la demande, donc la croissance économique. Cependant, cela n'est valable que dans des économies de l'offre, ce qui n'est pas le cas de l'Algérie". Et de préciser qu'en Algérie, "il n'a y a aucune relation directe entre ce crédit et le pouvoir d'achat, encore moins la relance économique". Et d'invoquer l'argument du faible taux d'intégration des produits éligibles, en affirmant que "les produits ciblés sont d'un faible taux d'intégration, donc au mieux ce crédit va bénéficier exclusivement aux sociétés étrangères comme Renault", en parlant d'un dispositif "fait sur mesure pour relancer les ventes de la Symbol qui sont en berne". "Ce crédit a pour objectif de booster les ventes de ce véhicule, qui n'est pas un produit purement algérien", dit-il. Concernant les produits High Tech, il précise que "ceux qui consomment du high-tech sont généralement des gens relativement aisés, ce crédit va donc profiter à ceux qui ont déjà les moyens". RAMDANE BOURAHLA