Cette visite, qui intervient dans un climat d'apaisement des relations bilatérales entre Alger et Paris, sera aussi l'occasion de faire avancer les deux dossiers litigieux des archives de la Révolution et des essais nucléaires de Reggane. "La visite en France ne s'effectuera pas dans l'ombre, mais en plein jour, afin de régler les dossiers en suspens entre les deux pays." Elle participe, selon le jargon diplomatique, de l'appréhension de façon apaisée de la mémoire, objet de vives polémiques la décennie écoulée, mais la visite, hier, du ministre des Moudjahidine, Tayeb Zitouni, en France, n'en est pas moins inédite. C'est la première fois, en effet, depuis l'Indépendance du pays, qu'un ministre, chargé des questions relatives à la guerre, se rend dans l'Hexagone. La symbolique est d'autant plus forte que ce séjour, en dépit des assurances du ministre, est entouré de quelques discrétions. Autant du côté français que du côté algérien, ce déplacement ne donne pas lieu à une effervescence médiatique. On est loin, du moins pour l'heure, de la couverture qui a accompagné le déplacement du secrétaire d'Etat français chargé des Anciens combattants, Jean-Marc Todeschini, le printemps dernier, à Sétif, où il a déposé une gerbe de fleurs sur la tombe du premier martyr des événements du 8 Mai 1945, Saâl Bouzid. Même si elle vient couronner un réchauffement des relations entre Alger et Paris entamé avec l'arrivée de François Hollande à l'Elysée, son geste fort à l'endroit des victimes des événements de Décembre 1960, son déplacement fin 2012 en Algérie et le développement tous azimuts de la coopération économique, sans compter le ballet diplomatique des responsables français, cette visite de Tayeb Zitouni dans la capitale française intervient dans un contexte marqué en Algérie par une résurgence de contentieux relatifs à l'histoire de la Révolution. Qualifiées par l'historien Mohamed Harbi "d'explosives", ces archives iraient inévitablement, si l'accord de restitution venait à être conclu, ébranler quelques positions établies et usurpées. "Il est grand temps que l'Algérie et la France se penchent sur les dossiers en suspens, notamment ceux relatifs aux archives nationales depuis le début de l'occupation française de l'Algérie jusqu'au recouvrement de la souveraineté nationale, aux disparus algériens durant la guerre de Libération nationale et aux indemnisations des victimes algériennes des essais nucléaires effectués à Reggane", a indiqué, dimanche dernier, Tayeb Zitouni lors d'un point de presse. L'Algérie "ne renoncera pas à ses revendications relatives à la récupération des archives inhérentes aux différentes révoltes populaires contre l'occupant français", a-t-il ajouté, précisant, par ailleurs, qu'"il est temps de traiter ces dossiers de manière responsable". Si cela traduit une réelle volonté, ce qui est déjà un grand pas, il reste que le chemin risque de s'avérer long en raison de la sensibilité des dossiers, mais aussi de leurs conséquences. Mais assurément, une page vient d'être tournée. Karim Kebir