Le renforcement des contrôles dans les aéroports en Europe, après les attentats de Paris, a contraint les voyageurs à destination de la Libye à se rabattre sur Alger. La ligne aérienne Alger-Tripoli ne sera plus desservie à partir de demain, a indiqué le ministère des Transports, dans un communiqué laconique, rendu public dans la soirée de mardi. "Après avoir informé les autorités libyennes et la compagnie Libyan Airlines, l'aviation civile algérienne a décidé de suspendre la liaison aérienne Alger-Tripoli à compter du vendredi 29 janvier 2016 et ce, jusqu'à nouvel ordre", a précisé le communiqué repris par l'APS, sans aucune autre précision sur les raisons de cette décision. La suspension de la liaison Alger-Tripoli intervient presque une semaine après la convocation de l'ambassadeur du Maroc à Alger, par le ministère des Affaires étrangères, pour l'informer du flux "massif" et "inhabituel" de ressortissants marocains à destination de la Libye, via l'Algérie. Reçu par le ministre des Affaires maghrébines, de l'Union africaine et de la Ligue des Etats arabes, Abdelkader Messahel, le représentant diplomatique marocain a été, en effet, saisi de "la question du flux massif et inhabituel de ressortissants marocains en provenance de Casablanca à destination de la Libye via l'Algérie, constaté ces dernières semaines", selon un communiqué des Affaires étrangères, rendu public samedi. L'Algérie avait informé le Maroc que seuls les voyageurs munis d'un document justifiant leur déplacement en Libye (permis de travail, etc.) seront autorisés à poursuivre leur route. Les autres seront systématiquement refoulés par les autorités algériennes qui ont estimé que "le contexte sécuritaire actuel, particulièrement sensible, impose la plus grande vigilance", a ajouté le communiqué des AE. Et c'est vraisemblablement ce contexte sécuritaire explosif qui a motivé la décision de l'aviation civile algérienne de suspendre "momentanément" la liaison aérienne entre Alger et Tripoli, sous le contrôle d'un gouvernement parallèle, non reconnu, et dirigé par une coalition de milices islamistes, Fajr Libya. Cette éventualité a été accréditée par une source diplomatique au ministère des Affaires étrangères, qui a souhaité garder l'anonymat, en l'absence d'une communication officielle sur ce sujet hautement sensible. Outre l'argument commercial — absence de rentabilité puisque les Algériens ne se rendent plus en Libye depuis le début de la crise libyenne en 2011 —, la suspension de cette ligne aérienne constitue une mesure de précaution, a expliqué la même source. L'Algérie est pratiquement le seul pays qui n'a pas suspendu ses liaisons aériennes avec la Libye, a encore indiqué cette source, depuis les attentats de Paris, le 13 novembre dernier, et les voyageurs en partance pour la Libye sont soumis à des contrôles accrus dans les aéroports européens. Le renforcement des mesures de sécurité dans les aéroports européens ont ainsi contraint ces voyageurs à passer par l'Algérie, principalement par l'aéroport Houari-Boumediene d'Alger. Il est aussi vrai que le démantèlement de plusieurs cellules de recrutement de candidats au terrorisme en Libye, en Syrie et en Irak, notamment au Maroc et en Espagne, n'a pas laissé beaucoup d'alternatives à ceux qui veulent rejoindre les mouvements terroristes dans ces pays où l'organisation autoproclamée Etat islamique (Daech) contrôle de vastes territoires. Il est à rappeler que le Maroc, tout comme la Tunisie, constitue un important réservoir de candidats au terrorisme, selon plusieurs rapports de l'ONU. L'origine marocaine des auteurs des attentats de Paris, qui ont fait 130 morts et 300 blessés, bien qu'ils soient tous nés Français ou Belges, a incité l'Europe à serrer l'étau autour des jeunes Marocains tentés par le départ pour rejoindre l'organisation terroriste d'Abu Bakr al-Baghdadi, au niveau des frontières européennes. Certains d'entre eux ont d'ailleurs séjourné au Maroc, où ils auraient entretenu des liens avec les recruteurs locaux, selon les enquêtes menées par les autorités françaises et belges. En l'absence d'un gouvernement d'union et d'une armée libyenne sous un commandement unique, l'Algérie joue donc le jeu de la prévention, en attendant que la situation sécuritaire s'améliore en Libye. Lyès Menacer