C'est dans un contexte géopolitique des plus complexes que traverse le monde d'aujourd'hui, que le lycée international Alexandre-Dumas, à Alger, a organisé, jeudi, une rencontre sur l'Emir Abdelkader qui s'intitule "Et si l'Emir revenait ?". Au menu de cette conférence sur la vie de cette personnalité algérienne qui a marqué son temps : son ouverture au dialogue islamo-chrétien et son comportement avec les prisonniers de guerre et les réfugiés. Dans son mot inaugural, la proviseur du lycée a tenu d'abord à relever que "pour l'Occident, l'Emir-Abdelkader est un modèle de tolérance et une personnalité dont le monde a tant besoin aujourd'hui". Homme de guerre, mais également fondateur du dialogue interreligieux, la vision de l'Emir trouve aujourd'hui toute sa place dans la conjoncture internationale actuelle où le rejet de l'autre devient le maître-mot. Dans son allocution, Zohour Bentaleb, membre de la fondation Emir Abdelkader, a indiqué que "le nom de l'Emir a toujours été associé à la tolérance, aux idées, à l'humanisme. Comme il a été le précurseur des droits de l'Homme". Et d'ajouter : "À un moment où le droit humanitaire était embryonnaire dans le monde, et souvent bafoué, y compris par des nations qui se réclamaient d'un haut niveau de civilisation, l'Emir Abdelkader ne s'est pas contenté de réfléchir ou d'écrire sur ce droit, il l'a mis en pratique durant toute sa vie avec constance et rigueur." Pour sa part, Mohamed Taïbi, sociologue, a souligné que l'Emir Abdelkader était en avance par rapport à son temps. Dans son intervention, il a développé la pensée de l'Emir qui cherchait toujours à trouver des alternatives aux guerres coloniales. À cet effet, le professeur a rappelé que l'Emir Abdelkader a mis en place trois pistes pour éviter la guerre. La première comprend les convergences des intérêts géopolitiques au XIXe siècle, qui consiste en le partage de la civilisation entre les deux rives. La seconde piste proposée a été de trouver des alternatives à la guerre par le recours à la sagesse humaine et l'affermissement de tout ce qui peut unir les hommes et, essentiellement, la question de la paix. La troisième piste consiste en la mise en place des passerelles de partage entre le monde musulman et chrétien pour mieux se connaître en exploitant au maximum l'avancée de la pensée et le développement de la culture. "À partir de ses écrits et de ses positions, l'Emir a imaginé, à cette période, l'importance du développement humain, et pour cette raison, il a été très critique vis-à-vis du monde musulman et en même temps très critique des tendances guerrières et colonialistes de l'Occident", a encore indiqué M. Taïbi. L'attachement de l'Emir au dialogue et son ouverture au monde extérieur se traduisaient dans sa vie quotidienne et sa relation avec le colonisateur. L'archevêque émérite d'Alger, Monseigneur Henri Teissier, est, lui aussi, revenu sur le parcours de cet homme hors du commun. Pour celui-ci, l'Emir Abdelkader représentait, au XIXe siècle, l'une des voix musulmanes les plus ouvertes au dialogue islamo-chrétien. "La meilleure preuve réside dans une lettre que l'Emir a envoyée aux Français en 1855. Dans sa correspondance, l'Emir déclare : ‘Si les musulmans et les chrétiens avaient voulu me prêter attention, j'aurais fait cesser leurs querelles. Ils seraient devenus, extérieurement et intérieurement, des frères'", a tenu à conclure Mgr Tessier pour qui l'Emir Abdelkader a marqué plus que toute autre personnalité le monde d'hier et d'aujourd'hui. DJAZIA SAFTA