Dans cet entretien exclusif accordé à Liberté, le directeur artistique du Festival international du film oriental de Genève (Fifog), Tahar Houchi, revient sur la thématique de la 11e édition, la participation algérienne, l'évolution du Fifog ainsi que les perspectives de cette manifestation qui couvre Genève, Lausanne, Versoix et plusieurs villes du bassin lémanique. Rencontré à Genève, M. Houchi a bien voulu répondre à nos questions. Entretien. Liberté : M Houchi, le Festival international du film oriental de Genève (Fifog) débutera au mois d'avril prochain. Où en sont les préparatifs ? Tahar Houchi : Le Festival international du film oriental de Genève (Fifog) couvre un espace géographique très large. Du Maroc jusqu'en Chine, en passant par l'Iran et la Turquie. Nous présentons aussi des films d'Europe en relation avec l'Orient. Et nous n'avons pas attendu l'officialisation des langues, comme le kurde et le berbère, longtemps niées, pour programmer sans complexe des films issus de ces cultures. Dédiée à la thématique de la liberté et présidé honorifiquement par l'écrivaine algérienne Ahlam Mosteghanemi, le 11e Fifog présentera 100 films, dont des documentaires, des fictions et des courts métrages. Il y aura plusieurs compétitions. Je citerai les compétitions internationales, scolaires et courts métrages. Le festival se déroulera à Genève, mais aussi à Lausanne à Versoix, et plusieurs villes du bassin lémanique. Il y aura plus d'une soixantaine d'invités qui viendront à Genève pour défendre leurs films, prendre part dans le jury ou encore médiatiser notre manifestation.
Pourquoi avoir choisi la thématique de la liberté ? Par le mot liberté, on voudrait signifier que tous les films participent à cette quête de la liberté, soit à travers des personnages ou encore à travers le scénario lui-même. C'est ce qui justifie d'ailleurs le focus sur les cinémas des pays du Cham. Nous avons voulu contrebalancer l'idée catastrophique que les Suisses entretiennent dans leurs esprits nourris pas le sensationnel médiatique, par des images artistiques et des œuvres qui respirent la liberté et la rage de vivre. Plus d'une douzaine de films en provenance du Levant seront projetés.
Qu'en est-il de la participation algérienne ? Pour la partie algérienne, il y aura plusieurs productions. Je citerai, entre autres, le film Fatma n'Soumeur de Belkacem Hadjadj, Madame courage de Merzak Allouache et Maintenant, ils peuvent venir de Salem Brahimi. L'ouverture sera assurée par Belkacem Hadjadj à la faveur de cette idée de combat d'un personnage en quête de la liberté et la lutte contre la colonisation. Les autres seront en compétition dans les diverses sections du festival.
Comment le Fifog a évolué dans le temps. Je présume qu'il y a une histoire d'amour entre vous et ce festival que vous portez, d'année en année, toujours plus haut ? Je dirige ce festival, secondé par un autre compatriote Sofiane Bouchaïb, depuis 11 ans. Le Fifog est avant tout un fruit de la passion et du désir de corriger les préjugés. Il s'agit aussi de repousser les frontières de l'ignorance et de la démagogie. La manifestation est conçue comme une fenêtre sur l'Orient pour les festivaliers et une vitrine d'exposition pour les cinéastes. Au début, on nous considérait comme une énième manifestation qui célébrerait les morts des intellectuels avec du couscous royal. Très vite, le festival s'est imposé comme un carrefour de professionnels du 7e art et où l'on montre un cinéma de qualité et innovant. Et on a réussi à évoluer les regards des spectateurs sur les pays du Machrek et du Maghreb. Après, il y a un intérêt grandissant des médias qui s'intéressent davantage au Fifog pour répercuter la juste information au bénéfice de cet art noble. Du coup, on a réussi à imposer un regard artistique au Fifog qui a très bien évolué comme vous le savez tous. Finalement, on n'est pas là pour monter une vision fantasmagorique de ces pays et encore moins un regard idéologique de certains pays. Entre ces deux visions, on a emprunté la voie du réalisme. Quelles sont vos attentes pour cette 11e édition ? Sincèrement, nous avons espéré avoir plus de de films algériens. Mais peu de productions nous sont parvenues. Après, la coopération avec les institutions est très faible parce qu'il y a une lenteur et une bureaucratie ambiante qui font que nous avons du mal à accéder à la production algérienne. Fort heureusement, le Fifog compte sur le travail de terrain et canalise de jeunes cinéastes et réalisateurs qui font eux-mêmes la promotion de leurs films. C'est sur ce terrain d'originalité que nous pêchons.
Est-ce que vous avez essayé de trouver des palliatifs avec des Festivals de cinéma en Algérie pour combler cette lacune ? On a eu beaucoup d'initiatives, notamment avec le Festival du film amazigh en Algérie. On a eu des collaborations. On est parti avec un groupe de professionnels suisses et on a fait des ateliers de formation. Aussi, en février passé, avec les journées cinématographiques d'Alger (JCA), dirigées par Salim Aggar, on a monté un programme spécial de films hélvético-oriental. C'était une occasion pour nous d'aller à la rencontre de jeunes qui ne bénéficient pas de soutiens étatiques. F. B.