La vedette de la chanson kabyle, Ammour Abdennour, qui s'est retiré durant 6 ans de la scène artistique, vient de faire son come-back au grand bonheur de ses fans. Dans cet entretien, il est revenu sur ses 47 ans de carrière dans la musique, sur son absence de l'univers culturel et, bien sûr, sur son nouvel album Arriti-Id, dont la sortie est prévue pour la fin du mois en cours. Liberté : Il y a 6 ans, vous aviez annoncé votre départ de la scène artistique. Quelles sont les raisons de cette "retraite anticipée" ? Ammour Abdennour : C'est vrai, à un moment, j'avais annoncé mon départ définitif de la scène musicale, notamment de la production. Il faut dire que j'ai traversé des moments très difficiles et j'ai eu des problèmes de santé. À cela s'ajoute la situation de la chanson qui est loin d'être attirante. Aujourd'hui, elle est banalisée et à la portée de tout le monde. Cette absence s'explique également par des problèmes purement personnels qui ont fait que je me suis retiré de la chanson. Je me suis dit que je ne reviendrai plus jamais, je pensais vraiment arrêter définitivement. Pour parler de ce retrait, certaines personnes ont évoqué l'absence d'inspiration. Elles ont même avancé que je n'avais plus rien à apporter, ce qui n'est évidemment pas le cas. Pour marquer ce come-back, y a-t-il un nouvel album en perspective ? Oui, bien sûr ! Je viens d'enregistrer un nouvel album intitulé Arriti-Id, il est composé de huit chansons. Pour sa réalisation, je suis resté 18 jours en studio, sa sortie est prévue pour la fin mars. Pour cet opus, j'ai utilisé de gros moyens, et ce, en apportant plusieurs innovations. Arriti-Id comporte des chansons chaâbi, du folklore, de la variété et des ballades. Dans vos chansons vous avez parlé de nombreux sujets d'actualité. Ces titres véhiculent des messages forts. Vous considérez-vous comme un artiste engagé ? Je ne suis pas un chanteur engagé. Je suis un artiste. Je chante et je dénonce tout ce qui me dérange dans notre société. Durant les années 70, j'ai estimé que tamazight était opprimée, alors j'ai dénoncé cette situation. Idem pour les événements de 1988 et la décennie noire. J'ai dit aussi dans mes chansons qu'à la mort de Abane Ramdane le pays a pris une autre tournure, et cela est un secret de polichinelle. Je n'ai aucun regret bien sûr, mais je ne tire aussi aucune fierté particulière ou un quelconque mérite. Si c'était à refaire, je ferais la même chose. Ce n'est qu'un devoir. Je dénonce quand j'estime que c'est injuste. Les artistes d'aujourd'hui ont recours aux nouvelles technologies pour la réalisation de leurs œuvres. Quelle appréciation faites-vous du niveau de la chanson actuelle ? Les temps ont changé, la nouvelle technologie est utilisée pour régler les imperfections et les sonorités, ce qui n'est pas toujours reluisant pour la chanson. Les médias aussi ont une part de responsabilité en encourageant la médiocrité. Aujourd'hui, celui qui enregistre un album se dit qu'il est déjà arrivé. Mais ces jeunes sont des victimes. Je pense qu'il ne faut pas les accabler. Il suffit d'avoir 10 000 DA, de trouver un studio, un arrangeur, reprendre un air et des paroles d'un autre artiste et le tour est joué. Certains reprennent la musique, changent un peu le rythme. D'ailleurs, je l'ai subi. Vous savez, on a vraiment clochardisé la chanson et dévalorisé la création artistique.