Maintenant que Khelil a tenu sa promesse de revenir au pays, il convient de faire la part des choses entre sa supposée implication pénale et sa responsabilité morale et politique dans les scandales qui ont éclaboussé Sonatrach. Six ans après avoir quitté le pays dans le sillage d'un remaniement ministériel décidé pour le sortir du gouvernement en mai 2010 à cause des affaires de corruption éclaboussant la compagnie nationale Sonatrach, l'ancien ministre de l'Energie et des Mines Chakib Khelil est de retour en Algérie. Mais, entre la déception de ceux qui auraient souhaité le voir menotté dès sa descente d'avion et la fatalité de le voir réhabilité comme annoncé par les puissants du moment, il convient de faire la part des choses entre sa supposée implication pénale et sa responsabilité morale et politique. En tout cas, si l'instruction, aussi bien du côté du parquet de Milan que de celui d'Alger, n'a pas été poussée suffisamment pour pouvoir le traduire devant un tribunal, c'est qu'il a aussi gagné la seule bataille juridique qu'il a été amené à mener, celle de bloquer les commissions rogatoires dépêchées en vue d'éplucher ses comptes suisses ainsi que ceux de son épouse et de ses enfants. Sinon, ses sponsors politiques auront du mal à effacer l'image de corrompu ou de traître à la nation qui lui colle désormais à la peau et qui a été chargée à outrance par les avocats de ses subalternes cités dans l'affaire Sonatrach I lesquels ont basé leur stratégie de défense sur son absence ou sa cavale — c'est selon —, mais aussi par la secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT), Louisa Hanoune, qui a fait du penchant libéral de l'ex-ministre de l'Energie un fonds de commerce. En effet, d'un point de vue purement judiciaire, Chakib Khelil est inatteignable pour le moment. L'affaire dite Sonatrach I qui a vu la justice algérienne reconnaître l'ancien P-DG Mohamed Meziane coupable, a été jugée en son absence. Le dossier ne contient pas des éléments solides qui auraient pu justifier son inculpation. L'affaire, faut-il le rappeler, concerne un conflit d'intérêts impliquant l'ancien P-DG de Sonatrach Mohamed Meziane. Celle dite Sonatrach II est toujours en instruction. Or, si ce dossier a été ouvert sur la base de faits révélés dans le cadre de l'instruction de l'affaire Sonatrach I, il a donné lieu à un scandale judiciaire qui a emporté l'ancien procureur général d'Alger, lequel a outrepassé ses prérogatives en délivrant un mandat d'arrêt international contre Chakib Khelil sans se référer à la Cour suprême comme le prévoit la loi quand il s'agit de ministres. Pis encore, il a organisé une conférence de presse pour l'annoncer. Ce qui renforce l'idée d'un règlement de compte politique. L'onde de choc de ce geste du procureur général d'Alger dont le mandat qu'il a délivré a été frappé de nullité à cause du vice de forme précité, a atteint le ministre de la Justice et garde des Sceaux de l'époque, Mohamed Charfi. Ce dernier, faut-il encore le rappeler, a indiqué dans une tribune libre quelques mois après son limogeage qu'il a été approché par le SG du Front de libération nationale (FLN), Amar Saâdani, qui, selon ses dires, lui aurait recommandé d'"extirper" Khelil de l'affaire. Et on en est resté là puisque Saâdani, pour qui Khelil est un cadre compétent, n'a ni démenti ni confirmé l'information, si ce n'est de continuer à promouvoir la réhabilitation de l'ancien ministre de l'Energie. Même les magistrats italiens n'ont pas fait mieux que les Algériens pour explorer toutes les pistes pouvant mener vers Khelil. Celle de Paolo Scaroni a mené à une impasse. L'ancien P-DG du géant ENI a été acquitté. Bref, au-delà du fait qu'il soit innocent ou non, sa responsabilité politique est engagée dans ces scandales qui ont plombé la compagnie nationale Sonatrach qui représente 40% du PIB de l'Algérie et qui pâtit toujours de son image ternie par la corruption. Et même si la justice algérienne, avec laquelle il est prêt à collaborer comme il l'a dit dans une interview donnée à deux journaux algériens depuis Washington, le blanchit définitivement, il reste moralement comptable des forfaitures de ses subalternes. Lyas Hallas