Résumé : Amar discute longuement avec son beau-frère Saïd de l'opportunité de s'installer en France. Ce dernier lui offre de venir habiter chez lui dans un premier temps. Sans plus attendre, Amar met de l'ordre dans ses affaires, avant de prendre le bateau vers Marseille, puis le train vers Paris. Maintenant, il est trop tard pour penser à faire marche arrière. Après plusieurs semaines, Saïd lui déniche enfin un boulot. Amar pouvait commencer à travailler comme maçon sur un chantier de construction. Le jeune homme est content. Il connaissait sur le bout des doigts le métier, et savait qu'il n'allait plus chômer. C'était le cas. Au bout de quelques mois, on le réclamait d'un peu partout. Plusieurs promoteurs lui proposèrent de rejoindre leurs équipes et chacun accentuait sa demande par un salaire plus motivant. Amar est embauché pour une longue période chez un entrepreneur, et respire enfin d'aise. Avec ses premières mensualités, il loue un petit studio et envoie quelques mandats à l'intention de sa fille Meriem restée au bled. Cela fait déjà six mois qu'il ne l'avait pas revue, et elle lui manquait terriblement. Il se met à réfléchir. S'il la ramenait en France auprès de lui, elle ne se sentirait pas seule, et il serait plus tranquille à son sujet. Seulement qui va s'occuper d'elle ? Elle était encore trop jeune pour aller à l'école, et les nourrices coûtaient très cher. Saïd lui demande de patienter. El-ghorba vient au bout de toutes les réticences. On devient aigri et taciturne à la longue, et l'absence d'un être cher ne fait que rajouter son amertume dans le quotidien d'un émigré. Amar prendra son mal en patience. Une année passe. Il a droit enfin à un mois de congé. Comme ses compatriotes, il boucle ses valises et prend son billet pour rentrer au bled. Arrivé chez lui, il apprendra que la vieille tante est décédée. Meriem était confiée à Houria, une jeune femme du village, divorcée, et qui n'avait lésiné sur aucun effort afin de permettre à la petite fille de ne pas trop ressentir l'absence de ses parents. Amar lui en sera reconnaissant. Sa fille avait grandi et embelli, à telle point qu'il ne l'avait pas reconnue. Elle vint se blottir dans ses bras et il laisse couler quelques larmes. Le dîner était prêt. Houria l'avait préparé avant de partir. Amar avait la gorge trop nouée pour avaler quoi que ce soit, mais il dut reconnaître que les relents délicieux des plats qui l'attendaient sur la table pouvaient venir à bout du plus réticents des gourmands. Il sert la petite Meriem qui, sans hésiter, prend sa petite cuillère pour entamer son plat. Elle avait des gestes lents et justes, et se tenait bien droite devant son assiette. Amar finit son dîner et se prépare un café léger. Il voulait veiller pour ce premier soir et se remémorer le bon vieux temps. Demain, il ira se recueillir sur les tombes des êtres chers qui l'avaient quitté. Aïcha traverse ses pensées. Son cœur se serre. Cette femme l'avait marqué à jamais. En France, quelques émigrés de son village lui avait suggéré de se remarier afin de donner une maman à sa petite fille. Ainsi, il regroupera sa famille autour de lui et sera plus tranquille. Mais il avait refusé. Se remarier ? Pourra-t-il encore aimer une femme autant qu'il avait aimé Aïcha ? Certes, la petite avait besoin d'une mère pour s'occuper d'elle, mais jusqu'à présent, l'idée de devoir prendre une autre femme le rendait malade. Le lendemain, il se rendit dans ses champs. Les paysans avaient bien travaillé, et les récoltes annuelles avaient dépassé toutes les espérances. Il discute longuement avec les "patrons" qui, comme convenu, lui devaient un pourcentage sur leurs revenus. Il se dit qu'il avait bien fait d'avoir recours à l'hypothèque, car même loin de ses terres, ces dernières continuaient à lui donner de grands bénéfices. Avec l'argent pris sur les rendements, il acheta une grande propriété proposée par un ancien ami à son père. L'investissement était très astucieux, car il avait opté non seulement pour une grande ferme avec ses grands espaces, ses écuries et ses champs, mais il y avait aussi une grande et belle maison, avec étages, eau courante, électricité, et tout le confort requis. Il voulait assurer l'avenir de sa fille, et le voici bien servi. (À suivre) Y. H.