Parmi les conférences animées lors du colloque international sur la drogue et les moyens à mettre en œuvre pour l'endiguer, celle de Gilles Charbonnier, avocat général à la cour d'appel de Paris, a suscité un enrichissant débat. Il a abordé le thème de "l'entraide judiciaire internationale dans la lutte contre le phénomène de la drogue". Dans son entrée en matière, il a déclaré que "les trafics de stupéfiants gagnaient en ampleur à travers les chiffres et il nous faut lutter à la fois contre la consommation, les petits trafics de quartiers, mais aussi sur les grands trafics internationaux qui impliquent les autorités d'enquête et de justice de plusieurs Etats", appelant à une mobilisation générale de tous les acteurs de la société civile, les familles, la justice et le monde des finances. L'adjoint du procureur général de Paris en charge des questions de criminalité organisée a ajouté : "En France, on a créé en 2004 les juridictions interrégionales spécialisées qui sont composées de magistrats qui ont une expérience dans la lutte contre la criminalité organisée et qui peuvent mettre en place des procédures avec des moyens d'enquête particuliers qui se sont avérés très efficaces en matière de lutte contre les stupéfiants. C'est la géolocalisation, l'infiltration, la livraison surveillée, le témoignage anonyme, le statut des repentis. Tout cela permet de gagner en efficacité dans la lutte contre les trafiquants. Maintenant il faut aussi que la coopération internationale se développe et inscrive des points favorables." Il faut également que "l'on développe des outils comme le magistrat de maison. Par exemple un magistrat français qui se déplace à Alger pour aider les autorités françaises lorsqu'il y a des exécutions de commissions rogatoires ou introduit une demande d'entraide internationale en Algérie et qui va également aider les collègues algériens qui cherchent à avoir un contact avec des collègues français, pour pouvoir faire eux-mêmes, en France, des investigations". À une question sur son sentiment personnel quant aux quantités importantes de drogue qui transitent par l'Algérie vers la France, l'avocat général a répondu : "Certes, la France n'est pas un pays producteur de drogue même si on constate de plus en plus des phénomènes de culture individuelle de cannabis par exemple. Elle est cependant destinataire de stupéfiants qui sont produits ailleurs. Alors au niveau de la justice, que les stupéfiants soient produits par tel ou tel pays, ça ne change rien. Je pense que c'est au niveau des Etats qu'il faut réfléchir à des solutions à apporter, par exemple aboutir, comme en Amérique latine, à des reconversions dans l'agriculture traditionnelle de manière à faire en sorte que les gens qui produisent des stupéfiants s'orientent vers d'autres cultures, vivrières par exemple. Cela est du ressort des Etats et non de la justice." La rencontre scientifique de Tlemcen s'est clôturée dimanche avec une série de recommandations qui appellent les Etats à engager un véritable plan Marshall sous l'égide de l'ONU afin de protéger les nations contre cette menace assimilée à une guerre sournoise et pernicieuse. Les participants au colloque ont estimé que les fonds accumulés par le trafic de la drogue sont destinés à un autre trafic aussi dangereux, celui du commerce illicite des armes destinées aux terroristes. Aussi la coopération des Etats a-t-elle été jugée impérieuse pour faire face à cette situation préoccupante pour la planète. B. Abdelmadjid