L'étendue du territoire national et le contexte régional sont des facteurs qui exposent l'Algérie aux méfaits du crime organisé transnational et l'interpellent dans la lutte contre ce genre de crime, a indiqué hier à Alger un responsable au ministère de la Justice. M. Mokhtar Lakhdari, directeur des affaires pénales et des grâces au ministère de la Justice, a expliqué que les crimes dominants en Algérie sont ceux de type «classique», mais l'étendue du territoire et des frontières et le contexte régional, a-t-il observé, sont des «facteurs favorables» à l'expansion du crime organisé transnational. Dans une déclaration à la presse en marge d'un atelier de formation sur le thème «Crime organisé et corruption publique», M. Lakhdari a souligné «l'effort continu» déployé par l'Algérie pour développer les capacités de la justice et des services de police judiciaire à lutter contre le crime organisé transnational qu'il a qualifié de phénomène «très complexe». La difficulté que présente cette forme de criminalité, selon le directeur des affaires pénales, est qu'elle «a souvent une apparence légale», donnant l'exemple des criminels qui investissent l'argent généré par leurs actions criminelles dans des activités légales. «Cela rend très difficile de faire la part des choses», a-t-il noté. Il a relevé que le crime organisé en Algérie est en premier lieu lié à des activités de contrebande, de trafic de drogue, de vol de voitures et d'émigration clandestine. Le crime organisé transnational est «le plus dangereux de toutes les formes de criminalité» et «ses répercussions sur la société sont les mêmes que celles des crises politiques et sociales», a-t-il estimé. Les conditions pour faire face à cette criminalité sont l'indépendance de la justice et la compétence des magistrats, a souligné M. Lakhdari qui a mentionné aussi le mécanisme d'entraide internationale qui permet aux magistrats de lancer des commissions rogatoires. Il a également rappelé l'existence en Algérie de «quatre pôles judiciaires spécialisés et une législation qui traite les affaires de la délinquance économique et sociale, à savoir la loi relative à la lutte contre la corruption». Concernant le lien existant entre le crime organisé et la corruption, M. Lakhdari a relevé que «les deux ont une seule finalité, qui est le gain facile et illicite». «Dès qu'on parle de corruption liée au monde des affaires, on est dans le crime organisé transnational», a-t-il dit, précisant que «souvent les organisations criminelles font appel à des experts financiers, des banquiers, des avocats et des notaires pour faire en sorte que leur action ait une apparence de légalité».Le directeur des affaires pénales au ministère de la Justice a rappelé, à cet égard, que la Convention des Nations unies contre le crime organisé transnational considère la corruption comme un crime organisé transnational. «En parlant de corruption, nous ne parlons pas d'un acte isolé, mais de tout un montage financier devant permettre surtout de recycler de l'argent sale», a-t-il indiqué. Sur l'objectif de l'atelier de formation auquel ont pris part 47 magistrats des quatre pôles spécialisés de la justice, procureurs et juge d'instruction, M. Lakhdari a estimé que «la formation des magistrats est aussi importante que l'indépendance de la justice». «Le magistrat qui n'a pas la capacité de maîtriser les affaires complexes ne peut mener à bien une information judiciaire ou une enquête même s'il a la volonté de le faire», a-t-il fait valoir. Il a ainsi estimé impératif pour un magistrat d'avoir suffisamment de compétence pour maîtriser tous les aspects liés au commerce international, au transfert de fonds, à la gestion des entreprises et à tous les aspects qui sont en relation avec la criminalité économique et financière. Il a souligné dans ce contexte que le choix de magistrats américains pour encadrer l'atelier est justifié par l'expérience des Etats-Unis qu'il a qualifiée de «pionnière» en matière de crime organisé. Ce pays a connu le crime organisé depuis les années 20 du siècle dernier et adapté sa législation et ses techniques d'investigation en conséquence, a-t-il rappelé. L'atelier est aussi une occasion de «découvrir d'expérience américaine à travers des cas concrets, des cas pratiques» et de «former les magistrats à lutter contre le crime dans le strict respect de la loi et de la présomption d'innocence et des principes qui régissent un procès équitable», a-t-il ajouté. «Il s'agit d'outiller les magistrats pour être préparés à ce genre de crime, car le plus important est que les magistrats fassent leur travail, ne subissent pas de pression et ne soient pas influencés», a-t-il conclu.