Résumé : Une fois au village, Amar se rend au chevet de sa femme. Il jette un coup d'œil à son fils et en ressent une grande fierté. Houria faisait mine de dormir. Taos lui apprendra qu'elle avait eu un accouchement difficile. Depuis son retour de France, Houria menait une vie de recluse. Le jeune homme soupire : -Comment a-t-elle donc prénommé le petit ? -Elle ne l'a pas encore prénommé. Elle attendait ta venue. -Elle savait donc que je serais là ? -Peut-être que oui. Les nouvelles vont vite parmi les émigrés. Houria s'agite et ouvre les yeux. Elle fixe son mari dans les yeux. Amar comprend qu'elle a écouté toute la conversation. Il soutient son regard et lance d'une voix forte : -Tu ne dormais pas. N'est-ce pas ? -Si. Je me suis assoupie. Ton fils me fait passer des nuits blanches. -Il doit être doté d'un caractère aussi rebelle que le mien. -C'est sûr. Vous les T..., vous vous ressemblez tous. -Oui. Nous sommes tous des ogres, et nous mangeons tous les gens que nous ne portons pas dans notre cœur. Sentant l'arrivée d'un orage, Taos s'ésquive. Houria s'assoit dans son lit et prend le bébé dans ses bras pour lui donner le sein. Une manière possessive de démontrer à Amar qu'elle a elle aussi des droits sur leur fils. -Pourquoi ne lui as-tu pas donné un prénom ? Elle hausse les épaules : -J'ai eu un accouchement difficile. J'ai failli trépasser. Trois jours durant après ma délivrance, la fièvre ne m'avait pas quittée. Je ne pouvais donc penser à un prénom. Pas plus tard qu'hier soir, j'ai demandé à Smaïl le fermier de descendre en ville pour t'envoyer un télégramme. Mais tu es là. Tu vas donc t'en occuper et prénommer ton fils et de mettre tes affaires à jour. -J'y compte bien. J'ai ramené Ghania. Le visage de Houria s'illumine d'un sourire : -C'est vrai ? Où est-elle donc ? -À la ferme. Elle est fatiguée. Demain je te la ramènerai. Houria soupire et baisse les yeux : -Amar... -Oui. -Tu me pardonnes ? -Pourquoi ? Pour m'avoir caché ta grossesse ? -Tu sais bien de quoi je parle. Par contre pour la grossesse, moi-même je n'étais pas sûre de mon état. Avec tout ce qui s'était passé, j'ai même failli faire une fausse couche en arrivant au bled. Et c'est là où mes doutes s'étaient confirmés : j'étais bel et bien enceinte. Comment pouvais-je t'apprendre une telle nouvelle, alors que tu venais de me renvoyer tel un linge sale au village ? -Tu l'as bien mérité. Melaaz est morte par ta faute. Je ne te pardonnerai jamais de l'avoir négligée pour aller bosser dans un restaurant. Que pouvait-il donc te manquer pour que tu ailles faire la boniche chez les gens ? Des voisines m'avaient même appris qu'auparavant tu bossais chez une ancienne pied-noir. Une honte pour la famille. Houria serre son bébé contre elle et laisse couler ses larmes : -Je suis désolée. Je voulais vivre comme les autres. Sortir, m'amuser, me mettre à la mode. -T'ai-je empêchée de sortir et de t'amuser ? Quant à te mettre à la mode... Il secoue la tête : -Je me rappellerai toute ma vie de cet accoutrement carnavalesque que tu avais mis lorsque tu t'es décoloré les cheveux et maquillée comme une femme de mœurs légères. Ah Houria ! Je m'en suis voulu à mort de t'avoir épousée. J'ai pensé retrouver en toi l'affection qui me manquait et qui manquait à Meriem. Mais je me suis trompé sur toute la ligne. Je ne pourrai plus vivre avec toi. Tu resteras désormais ici au village, et je veillerai à ce que tu ne manques de rien toi et le petit. -Le visage de la jeune femme vire au rouge. -Non ! Tu n'y penses pas Amar. Tu ne vas pas m'abandonner ici dans ce trou perdu ! -Ce trou perdu, tu l'as toujours connu. Ce village t'a vu naître et grandir. La France, tu ne la connais que depuis peu. Tu n'auras aucun mal à te réadapter et à renouer avec ton ancienne vie de villageoise. (À suivre) Y. H.