Résumé : Il faisait nuit et il pleuvait. Meriem devrait traverser le village pour acheter des médicaments à son jeune frère. Sa marâtre Houria lui rendait la vie dure, mais elle refuse d'en parler à son père. Amar avait tant souffert. Il était orphelin et avait eu beaucoup de mal à récupérer ses biens. Le vieil homme toussote et lance : -Voyons Amar, mon fils, tu es chez toi. Prends ce que tu juges nécessaire à ton confort. Nous sommes tous d'accord pour que tu reprennes la maison de tes défunts parents, que Dieu ait leur âme. D'ailleurs qui pourrait en hériter si ce n'est leur propre fils ? Cependant, comme nous avons fait le partage des terres avoisinantes, à une époque où tu n'avais pas encore l'âge de raison, il me semble qu'il est essentiel pour nous, tes oncles, de nous concerter afin de délimiter les terrains qui te reviennent de droit autour de cette propriété. -Toutes les terres qui entourent la maison me reviennent de droit mon oncle. Ce sont les terres de mes ancêtres. Mon grand-père et mon arrière-grand-père y avaient vécu et planté les oliviers et tous les arbres fruitiers, dont vous vous êtes tous régalés depuis deux décennies. Il est temps que cela change. Je ne ferai pas non plus omission sur les biens de ma grand-mère Malha que vous aviez spoliés, sous prétexte de les exploiter pour elle, alors qu'elle n'avait plus ni sa santé physique ni sa raison. Vous êtes tous des monstres ! Les vieux oncles tremblèrent sous leurs burnous. Amar n'allait tout de même pas récupérer toutes les terres et les biens de la famille ! -Vous n'aviez pas honte de profiter de la maladie et de la mort de cette brave femme ? Et moi ? Qu'avez-vous fait de votre neveu, alors qu'il n'avait même pas l'âge de se rendre à la cueillette des olives ? Vous m'avez poussé hors du village. Je n'ai dû mon salut qu'à la clémence de Dieu et à la force de mes petits bras. Des années durant, j'ai trimé comme un nègre chez les autres, alors que j'aurais pu le faire chez moi et sur mes propres terres. Evidemment, vous n'attendiez pas mon retour. Mais il se trouve que je suis là. Je suis là et je compte rester chez moi. Je dois redonner vie à la maison de mes ancêtres et récupérer toutes les parcelles de terre qui me reviennent de droit. Des yeux apeurés le dévisageaient. Qu'allait-il donc faire ? Les destituer ? Mais il se met à rire et reprend d'une voix calme : -Vous ressentez maintenant ce que j'ai dû moi-même ressentir lorsque vous m'aviez humilié et spolié de mes biens. Alors qu'en pensez-vous mes chers oncles ? M'hand, le plus âgé de ses oncles, qui avait l'autorité sur les autres, lui sourit de sa bouche édentée. Le sourire ressemblait davantage à une grimace de dépit, mais Amar soutint son regard, et le vieil homme baisse les yeux et toussote encore une fois avant de répondre : -Nous t'avons déjà proposé des terres mon cher neveu. Je veux dire ces terres que nous n'avons pas pu exploiter à ce jour. Elles sont encore vierges et très prometteuses. -Dans ce cas-là, pourquoi ne pas les avoir exploitées ?, lui demande Amar, d'un air moqueur. Vous croyez que je suis naïf au point de ne pas avoir compris que ces terres sont loin d'être aussi fertiles que vous le prétendez, car vous n'auriez pas raté l'occasion d'en profiter ? Je suis d'accord tout de même pour les récupérer. Quelqu'un pousse un soupir de soulagement. Pas pour longtemps. Amar reprend : -Bien sûr que je vais aussi récupérer toutes les terres qui entourent la maison, et les champs d'oliviers qui revenaient de droit à mes deux parents. Les visages pâlirent. Un oncle se sentit mal et quelqu'un prend la cruche d'eau pour lui en asperger le visage. Amar se lève : -Je m'installe dès ce soir au village. Et si quelqu'un veut m'affronter il n'a qu'à le faire. Il quitte cette assemblée de vieux chenapans, comme il s'est amusé à les désigner, et se dirige vers la placette du village pour demander après le sage de la djemâa. Aïssa avait connu ses parents et lui-même, alors qu'il n'était encore qu'un gamin. S'en rappelait-il ? Ses appréhensions s'évaporèrent lorsque ce dernier le prend dans ses bras et le serre contre lui : -Amar ! Mon fils ! Te voilà enfin revenu chez toi. Tu es devenu un homme. Un homme qui vengera sûrement les siens. Amar l'entretiendra alors sur ses projets immédiats, et Aïssa hoche la tête d'un air entendu avant de lancer : -J'ai tellement attendu ce jour que j'ai cru qu'il n'arriverait jamais. J'ai espéré te revoir plus tôt. Je me suis inquiété pour toi mon fils. Quelqu'un m'avait appris que tu étais à l'abri dans un village voisin. Personne n'a cherché après toi. Je ne pouvais alors rien entreprendre pour te retrouver. Ma conscience m'avait malmené (il pousse un soupir). La mort a fait de toi une victime de choix. J'ai connu tes parents, et avant eux tes grands-parents (il soupire encore). Que Dieu ait leur âme. Je me dois de t'aider pour apaiser mes remords. Si tu veux récupérer tes biens, ce ne sera que justice. (À suivre) Y. H.