Résumé : Taos demande à Khadidja de prendre rendez-vous et de l'accompagner chez la voyante dont elle lui avait parlé. Pendant ce temps, Wassila monte dans un véhicule qui démarre en trombe. Athmane lui reproche son retard, et elle rétorque que c'est sa femme Khadidja qui l'avait retenue. Athmane n'aimait pas sa femme. Il regrettait son mariage... Il pousse un soupir : -Dans mon cas, on ne peut pas parler de déboires, mais plutôt de catastrophe... Khadidja n'est pas un ange. Tout au début de notre mariage, elle a tenté de montrer le meilleur d'elle-même. En vain... C'est une femme pratiquement illettrée qui passe son temps à épier le voisinage, quand ce n'est pas les voyantes qui l'accaparent. -Les voyantes... ? Wassila secoue la tête : -Je ne pense pas qu'elle soit aussi crédule pour croire au pouvoir de ces arnaqueuses. -Eh bien, figure-toi que je l'ai déjà surprise en train de discuter avec sa mère de ces rendez-vous chez ces femmes. Elle pense pouvoir me soumettre à ses quatre volontés, en usant de ces pratiques d'un autre âge. Parfois j'entre dans son jeu et je fais semblant de me radoucir. Elle est alors si sûre du pouvoir des amulettes et autres sortilèges qu'elle n'hésite pas à y avoir recours régulièrement. Wassila se met à rire : -Je devrais m'y mettre moi aussi... Athmane l'attire contre lui : -Non... Tu n'es pas du genre... Toi tu m'as ensorcelé sans gris-gris ni envoûtement... Ou bien si... Tu m'as envoûté par ton charme et ta douceur, à tel point que je passe des heures à t'attendre sous un soleil de plomb. -C'est tout ce que tu peux faire pour moi Athmane... ? Il cherche des yeux un endroit où garer avant de répondre : -Je peux faire bien plus que ça... Tu ne veux pas prendre mes sentiments au sérieux, voilà le drame. -Non. Tu n'y est pas Athmane... Je sais que tu m'aimes... Enfin, je l'entends assez souvent de ta bouche... Mais pour le prouver, passe donc à l'action. Il déboucle sa ceinture de sécurité et se retourne vers elle : -Tu reviens encore sur ce sujet... ? -Oui... Je veux que tu m'épouses... Je ne veux plus cacher notre relation ni vivre clandestinement notre amour... Il pousse un soupir : -Je crois que nous avons déjà parlé de tout ça... Tu connais ma situation Wassila... Je suis encore marié. Cela ne veut pas dire que je ne veux pas t'épouser... Mais reportons cela à plus tard... -à quand donc... ? Je ne suis plus de la prime jeunesse Athmane... Je veux avoir un enfant moi aussi... Le temps passe, et je perds l'espoir de bercer un jour un bébé dans mes bras. Il soupire encore : -Laisse-moi encore un peu de temps... Je ne vais pas revenir sur mes promesses... Allez, oublie tout ça... Nous sommes ensemble pour nous amuser, et tu as toujours le chic de gâcher nos sorties... Allez, descends. J'ai hâte de te faire découvrir les succulentes glaces qu'on prépare dans ce salon de thé... Wassila allait riposter, mais il ne lui laissera pas le temps : -Allons... C'est promis, nous rediscuterons de tout ça bientôt... Nous sommes là pour nous amuser. N'est-ce pas ma princesse... ? Taos finissait la vaisselle tout en repensant aux dires de Khadidja. Si cette voyante s'avérait aussi efficace qu'elle le prétendait, elle était prête à vendre ses bijoux pour arriver à réaliser son vœu le plus cher : marier Wassila au plus vite. Elle avait déjà tout essayé, sans résultat. Pourquoi ne pas tenter encore ? Ses efforts seraient peut-être récompensés bien plus tôt qu'elle ne le pense. Elle soupire tristement. Si Wassila se mariait, elle pourrait effectuer une omra. Cela fait des années qu'elle y pense. Se rendre enfin à La Mecque et prier dans le sanctuaire sacré de Dieu. Elle ferme les yeux un moment, et se voit dans la foule des pèlerins en train de tourner autour de la Kaâba avant d'aller se recueillir sur la tombe du Prophète. Un rêve qu'elle pourra réaliser sans contrainte. Elle sera enfin tranquille pour le reste de ses jours, et ne pensera plus à rien d'autre qu'à prier et à méditer. Elle rouvrit les yeux et revint à la triste réalité. Tant que Wassila est toujours sous le toit parental, elle ne pourra rien faire hélas ! Elle est si préoccupée par l'avenir de sa fille, qu'elle en perdait le sommeil et l'appétit. Elle s'essuie les mains et se rappelle qu'elle devait préparer du café pour ses invités. Saïd, son mari, leur tenait compagnie. Des plaisanteries et des rires lui parvenaient du salon. Sa belle-sœur ne tarissait pas d'éloges sur sa nouvelle belle-fille. Taos savait par expérience que Halima aimait démontrer qu'elle faisait toujours le bon choix. Mais dans quelques jours, elle entendra une autre version. La jeune mariée qui gardait un silence pudique, ou se contentait d'ébaucher un sourire, ne tardera pas à prendre ses aises dans la maison de son mari, ce qui ne manquera pas de provoquer les premières étincelles des disputes classiques entre la belle-mère et sa belle-fille. -N'est-ce pas Taos... ? Elle sursaute : -Pardon... ? -Tu es dans les nuages ma chère... Allez, verse-nous du café au lieu de rester sur le seuil du salon à nous épier. -Je ne vous épiais pas Halima... J'ai justement préparé du café... Je suis désolée d'être un peu distraite aujourd'hui... -Quelque chose semble te préoccuper Taos... On le devine bien à ton air absent... -Heu... Non... Je suis juste un peu fatiguée... -Tu peux le dire. Nous t'avons donné du fil à retordre... Mais où est donc Wassila ? -Au boulot... Le salon ne désemplit plus ces derniers temps. -Hum... Je comprends... (À suivre) Y. H.