Résumé : C'est les vacances. Amar rentre au bled avec Meriem et organise une grande cérémonie. La jeune fille reste à la ferme avec sa belle-mère et les autres enfants. Elle s'amuse un moment avec son petit frère Aïssa, puis propose à Ghania de faire une promenade à travers les champs. La petite fille sourit : -Tu sais jouer à la corde ? -Pas vraiment. Mais je vais te proposer quelque chose de plus intéressant. -Plus intéressant que ma corde ? -Oui. Je veux qu'on aille faire une promenade à travers les champs. L'enfant laisse tomber sa corde : - Oh oui ! Je viens avec toi. Il faut le dire à maman. -Bien sûr. Viens, allons le lui demander toutes les deux. Heureuse de se débarrasser des deux filles pour un temps, Houria donne son consentement. Elle recommande cependant à Meriem d'être prudente, et de ne pas s'arrêter pour discuter avec tous ces curieux qui risquent de l'aborder. Meriem était une très jolie fille, et d'aucuns essayent d'engager la conversation avec elle. En particulier des femmes ayant des vues sur elle, ou de jeunes dragueurs qui ne voulaient pas rater l'occasion de faire un brin de causette. Pour eux, cette "Parisienne" qui ne connaissait pas encore grand-chose aux coutumes du village est une étrangère parmi eux. Un argument valable pour beaucoup afin de l'approcher. Mais Meriem était trop sage pour permettre à ces "intrus" de la côtoyer. Amar l'avait mise en garde contre les comportements trop familiers de ces gens qu'elle connaissait à peine. En somme, elle-même avait compris les desseins des uns et le manège des autres. Elle aimait son village et respectait les traditions, mais savait tenir sa langue et secouer la tête, lorsqu'on tentait de la harceler. Elle prend donc la main de la petite Ghania et s'éloigne de la ferme pour contourner les champs et profiter de la fin de cette journée d'été. Une petite brise se lève. Elle se met à courir les cheveux au vent, sa sœur sur ses talons. Mais Ghania était encore trop petite pour se mettre au rythme coursier de sa sœur aînée. Meriem s'arrête et revient sur ses pas. -Ghania, tu es encore trop jeune pour me suivre. Viens. Allons nous asseoir sous cet olivier. Le crépuscule commençait à envahir les lieux. Meriem sourit à sa sœur et lui prend la main : -Il fera bientôt nuit. Tu as peur ? -Un peu. Je n'aime pas le noir de la nuit. Meriem sourit : -Moi aussi. Mais nous ne sommes pas loin de la ferme. Nous pouvons rentrer sans trop de mal. Attends, prenons d'abord quelques gerbes de blé pour les offrir à ta maman. Elle m'a toujours dit que ça portait bonheur. Ghania ne comprenait rien aux dires de sa sœur, mais prend les gerbes de blé et suis Meriem sans demander son reste. Elles arrivèrent juste à l'heure du dîner. Une femme avait ramené du couscous et une grosse marmite de sauce au mouton. Houria sert tout le monde. Elle n'avait pas pris part à la waâda organisée par son mari, mais on lui avait gardé une large part de ce repas dont s'étaient régalés tous les villageois. Aïssa dormait tel un ange attaché sur le dos de sa mère. Houria dépose le petit dans son berceau, alors que les filles dînaient dans la grande salle. Elle revient prendre place près d'elles et mange de bon appétit. Amar ne revint qu'à une heure tardive de la nuit. La maison était plongée dans le silence et le noir. Il se déchausse et s'assoit en s'étirant devant la cheminée. La journée avait été bien chargée, mais comme il avait du mal à trouver le sommeil depuis son arrivée au village, il ne s'empressa pas de se mettre au lit. Il réchauffe le café et s'en sert une tasse, puis allume une cigarette. Il était content d'être là parmi les siens. Ah ! Comme il aurait aimé pouvoir effacer ses malheurs récents. Si Melaaz était encore de ce monde, son bonheur aurait été complet. Mais personne ne choisissait son destin. Il s'étend sur une natte et ferme les yeux. Un semblant de sommeil sans rêve le surprend. Il somnola un moment puis se relève pour se reverser du café. Il réussira peut-être à s'endormir aux premières heures du matin. Un gémissement parvint à ses oreilles. Avait-il bien entendu ? Il dépose la tasse qu'il tenait entre les mains et tend encore l'oreille : quelqu'un gémissait. Cela venait de la chambre où dormaient les filles. Il se lève promptement et ouvre la porte de sa chambre pour s'assurer que ce n'était pas Aïssa qui s'était réveillé. Mais le bébé dormait sereinement dans les bras de sa mère. Il referme alors la porte pour se diriger vers la pièce du fond. Un autre gémissement, cette fois-ci plus fort que les deux premiers, lui fera hâter le pas. (À suivre) Y. H.