Les tests de personnalité sont couramment utilisés dans les entreprises. Mais leur fiabilité est aujourd'hui sérieusement mise en doute. Les DRH devraient donc se garder d'en faire un outil décisif pour recruter et orienter les carrières des collaborateurs de l'entreprise. À l'issue d'un séminaire sur la communication interpersonnelle que l'auteur de ces lignes animait il y a quelques semaines pour des étudiants d'un programme MBA, une participante a demandé conseil à l'animateur sur un sujet très personnel : le choix de son futur époux ! Même si l'animateur n'a rien d'un conseiller conjugal, il a prêté une oreille attentive à la participante qui a commencé par dire que son fiancé était "un Rouge". Après quelques secondes de stupéfaction, pendant lesquelles l'animateur pensait qu'on avait affaire à un albinos, un Indien d'Amérique ou un communiste, il s'est vite rendu compte qu'en réalité la participante faisait référence à une catégorisation utilisant le code des couleurs pour distinguer les profils-types de personnalité, une approche popularisée en France par le livre "Manager avec les couleurs". Voilà un exemple qui illustre parfaitement comment on applique parfois de façon sauvage les tests de personnalité : baser un choix de vie sur une construction intellectuelle très approximative. C'est là une dérive hélas courante dans les entreprises, mêmes celles qui ont développé des systèmes évolués de management de leurs ressources humaines. Parmi la multitude de tests de personnalités qui existent, le Myers-Briggs Type Indicator (MBTI en abrégé) est le plus célèbre et le plus couramment utilisé. Le cabinet qui le commercialise réalise un chiffre d'affaires annuel de plus de 20 millions de dollars et ce sont plusieurs millions de personnes qui passent chaque année ce test. Malgré ce succès - aux USA, il est encore utilisé par 89 parmi les 500 plus grosses entreprises du classement Fortune -, plusieurs chercheurs et psychologues remettent aujourd'hui en question la validité du MBTI. L'un d'entre eux, Adam Grant, l'auteur du best-seller " Give and take: a revolutionary approach" to success, a dressé un procès sans concession de ce test dans un article rédigé en 2013. Il y démontre de façon nette comment le MBTI renferme plusieurs incohérences et viole les critères de validité que doivent respecter les outils de sciences sociales(1). Il y explique aussi pourquoi, en dépit de la faiblesse de ses bases scientifiques, le MBTI continue à être aussi populaire auprès des entreprises et organisations(2). Il avance pour cela deux raisons : d'une part, le marché est solidement tenu par les milliers de formateurs certifiés MBTI ; la seconde a trait au fait que le test procure aux personnes qui le passent un sentiment de satisfaction leur donnant l'illusion de découvrir la personnalité des autres et de mieux se connaître eux-mêmes. La non-fiabilité du MBTI est encore plus manifeste dans les centaines d'autres tests psychotechniques. Faut-il donc jeter ces outils à la poubelle ? Assurément non ! Il s'agit de ne pas les utiliser comme mesures définitives pour connaître le potentiel des hommes. Les tests psychologiques peuvent être utiles pour déceler quelques traits de caractère. Mais seuls des entretiens en face-à-face approfondis, quand il s'agit de recruter de nouveaux collaborateurs, ou une écoute active de la part de leurs managers une fois en fonction, pourront valablement permettre d'apprécier leur personnalité. Du reste, prétendre enfermer une fois pour toutes les hommes dans des cases procède d'une forme d'eugénisme, ignorant l'extrême complexité de la personnalité humaine et sa capacité à évoluer et à s'enrichir. Au surplus, il a été amplement prouvé que des profils jugés inaptes à l'issue des tests pour certaines fonctions se sont révélés au contraire extrêmement performants. C'est, par exemple, le cas de profils jugés "introvertis" qui ont donné d'excellents leaders. Ce qui démontre le caractère approximatif de ces tests. Ironie de l'histoire, c'est en voulant déceler la personnalité de Clarence Myers, le futur gendre de sa fille Isabel, que Katharine Briggs a poussé cette dernière à utiliser les théories de Carl Jung, le grand psychiatre suisse, père de l'analyse psychologique. C'est de là que viendra plus tard la dénomination Myers-Briggs Type Indicator, associant les noms des deux familles alliées. Ainsi, la question qui paraissait naïve de l'étudiante MBA de Sétif n'est pas dénuée de fondement. Tenter de déceler la personnalité des gens avec qui nous allons vivre ou travailler est une démarche pertinente. Mais ni la théorie des couleurs, ni le MBTI ou tout autre outil du même type ne pourront lui donner de réponse définitive à une interrogation bien complexe. S. S. 1 - Say Goodbye to MBTI, the fad that won't die. https://www.linkedin.com/pulse/20130917155206-69244073-say-goodbye-to-mbti-the-fad-that-won-t-die