Résumé : Taos est désolée de voir Meriem sujette à tous les maux. Pour lui éviter d'autres malheurs, elle voulait rendre visite au saint du village pour lui demander de la protéger, et lui faire confectionner une amulette. Mais la jeune fille l'interrompt. Elle est cartésienne et ne croit qu'en ce que la science justifie. Meriem sourit encore : -La science, ma chère Tante Taos, est un monde de recherches et de découvertes. Elle te protège des maladies, te donne des explications rationnelles sur ce qui nous entoure, tente de trouver des solutions à des situations complexes. Ce qui n'est pas le cas de ces marabouts dont tu parles. Cependant, on peut toujours demander au grand Créateur de nous protéger, comme ne cesse de le répéter mon père. Taos hoche la tête : -Tu as raison Meriem. Tu es jeune, mais très mûre pour ton âge. Je vais te préparer une soupe. Tâche de te reposer un peu jusqu'au dîner. Une semaine passe. La jeune fille est enfin sur pied et se prépare à rentrer en France. Elle avait téléphoné à son père et lui avait expliqué qu'elle avait prolongé ses vacances, car les routes étaient coupées par la neige, mais que cela ne l'avait pas empêchée d'apprécier son séjour à la ferme. Amar, content d'avoir enfin sa fille au bout du fil, ne fait aucun commentaire. Il demande des nouvelles de Aïssa, et Meriem s'empresse de le rassurer et d'ajouter que Taos et ses enfants sont souvent chez eux et s'occupent très bien de la petite famille. Amar ne demande pas des nouvelles de sa femme. Sa fille hésite quelques secondes, puis lui dit que Houria se portait bien aussi et attendait sa venue pour les prochaines vacances d'été. Amar garde le silence. Il ne voulait vraisemblablement pas entendre parler d'elle. Meriem n'insiste pas. Elle comprenait très bien le désarroi de son père et ne l'en blâmait pas. Depuis qu'elle a commencé à grandir, elle ressentait davantage les blessures profondes que portait son père dans son cœur et dans son âme. Il souffrait sans pouvoir se confier. Et maintenant c'est aussi elle-même qui rentrait avec un autre poids sur sa conscience. Le poids de son honneur éclaboussé et de sa dignité perdue. Pourra-t-elle regarder son père en face sans se sentir coupable de ce qui lui était arrivé ? Et si jamais un jour il apprenait cette triste vérité, comment allait-il réagir ? Elle essuie une longue larme sur sa joue et raccroche pour aller préparer ses bagages. Le lendemain, il faisait un froid de canard. Le taxieur qui devait la déposer à l'aéroport venait de se garer devant la maison. Taos, qui s'était réveillée aux aurores pour lui préparer un petit-déjeuner consistant, l'aide à s'habiller chaudement et lui remet quelques victuailles pour la route. La veille, elle avait préparé des gâteaux, et au petit matin une galette toute croustillante qu'elle voulait envoyer à Amar. Le parfum du pays pour faire plaisir et éloigner la nostalgie, comme le disaient les émigrés du village. Triste et effondrée, Meriem se jette dans ses bras : -Tante Taos ! Tu vas me manquer terriblement. -Pas autant qu'à moi ma petite chérie. Meriem essuie ses larmes : -Lorsque nous reviendrons mon père et moi pour les vacances d'été, je vais lui demander de t'établir un passeport. Ainsi, tu pourras venir passer quelques jours chez nous à Paris. Taos lui pince la joue : -Moi à Paris ? Tu imagines une paysanne comme moi sous la tour Eiffel ? -Eh bien oui. Pourquoi pas ? Tu ne connais la tour Eiffel qu'à travers les cartes postales. Moi je vais te la faire découvrir et te prendrai même en photo à côté de ce monument universel. Taos se met à rire, puis met son index devant sa bouche : -Chut ! Si Houria t'entendait, elle ne serait sûrement pas contente. Meriem hausse les épaules : -Mon père ne me refuse rien, et si je lui demandais de te ramener en France il le ferait. -Nous n'en sommes pas encore là ma puce. Tu vas donc sagement rentrer et nous donner rapidement de tes nouvelles. Et surtout pas un mot sur ce qui t'est arrivé. Hein ? Meriem se mord les lèvres : -Je n'aurais même pas le courage d'évoquer cet... Elle se tut. La gorge nouée, elle relève ses yeux larmoyants vers Taos qui la prend dans ses bras : -C'est du passé tout ça. Rentre à Paris et reprend tes études. Ton père sera tellement fier de te savoir bachelière cette année. -Oui. Je l'espère. Le taxi démarre. Taos demeure un long moment au seuil du portail. Quelque chose en elle lui disait que Meriem n'allait pas tarder à revenir. (À suivre) Y. H.