Résumé : Taos trouve que Meriem était encore trop faible pour voyager. Elle accusera Houria d'être la cause de tous les malheurs qui arrivaient à la famille. Amar s'était trompé sur son compte. Devant de telles révélations, on aurait juré que Houria allait étouffer. Au bout de quelques secondes, elle put prendre une longue goulée d'air et s'asseoir en s'éventant avec un foulard. Elle n'arrivait pas encore à prononcer un mot et essuyait la sueur qui coulait de son front d'un air machinal. Taos lance un regard à Meriem qui avait suivi la scène sans prononcer un mot. La jeune fille avait eu peur en voyant sa belle-mère dans cet état. Mais Taos lui fait un clin d'œil. Désormais, Houria les laissera en paix jusqu'à son retour en France. C'est toujours la vérité qui fait mal, et lorsqu'on lui lance de telles diatribes, elle est tout de suite touchée dans son amour-propre et ne pourra plus s'approcher de son adversaire. Meriem la prend en pitié. Houria faisait des efforts surhumains pour reprendre son calme. Elle tremblait de tout son être, et pour finir, elle jette le verre d'eau à l'autre bout de la pièce où il se fracasse en mille morceaux. Meriem sursaute. Mais Taos met une main apaisante sur son bras. Houria se lève et sans prononcer un mot se retire dans sa chambre. Le silence règne un moment dans la grande salle. Meriem le rompt enfin : -Tante Taos, tu n'aurais pas dû la provoquer ainsi. -Il fallait crever l'abcès, ma fille. Tu as bien entendu ce qu'elle racontait. Tu as vécu l'enfer par sa faute, et elle veut se déculpabiliser en t'accusant d'avoir sciemment quitté la maison en pleine nuit. Non. Ne tente pas de me dire le contraire. Tu veux juste éviter de dramatiser les choses, mais tout le monde a deviné aisément ce qui c'était réellement passé. Même les voisines les plus rebelles. -Mais je n'aimerais pas être cet oiseau de malheur qui, à chaque fois qu'il est là, provoque des situations dramatiques. -Ce n'est pas toi l'oiseau porte-malheur. C'est plutôt elle. Tu as oublié ce qui est arrivé par sa faute à ta petite sœur Melaaz ? Et puis bien plus tard, alors que Ghania souffrait de sa crise d'appendicite, elle t'a aussi accusée de tous les maux. Jusqu'à quand vas-tu donc supporter cette mégère qui ne cherche qu'à te nuire ? Et on peut dire qu'elle a réussi. Avec ce qui t'arrive... Ne pouvant plus continuer, Taos se laisse tomber à côté du canapé et se met à pleurer à chaudes larmes. Meriem tente de la consoler : -Pourquoi pleures-tu, tante Taos ? Je vais bien maintenant, grâce à Dieu. Le médecin a dit que dans quelques jours je serai sur pied et je pourrai rentrer en France. Taos renifle et s'essuie les yeux avec le pan de sa robe, avant de se moucher : -Tu ne peux pas savoir à quel point tu me fais de la peine ma pauvre petite. Tu ne mérites pas ce qui t'arrive, et ton père non plus. La poisse ne veut pas vous quitter. Dès que la neige cessera de tomber, j'irai me recueillir sur le tombeau du saint du village. C'est lui le protecteur des âmes perdues. Je pense qu'il ne sera pas insensible à ton état et te soulagera de tes maux. Je tenterai aussi de te faire confectionner une amulette par le marabout de la kouba de sidi. Meriem met un doigt sur la bouche de Taos et sourit : -Arrête. Je ne veux pas que tu ailles où que ce soit. Je n'aime pas trop ces histoires de saint et d'amulettes. Je n'y crois pas. -Chut ! Ne dis pas cela (elle croise les bras plusieurs fois, puis tourne sa tête à droite et à gauche). Tu vas susciter la colère des aïeux, et les mauvais génies pourraient te posséder. Il faut croire à tout ce que faisaient nos ancêtres. Le saint du village est très connu par ses... Meriem l'interrompt encore : -Non, tante Taos. Je ne peux pas croire à ces niaiseries. Avec tout le respect que je dois aux ancêtres, moi je trouve qu'ils étaient trop incultes pour voir certaines vérités. De nos jours, on ne devrait plus s'accrocher à ces sornettes. Si tu savais ce que la science pouvait réaliser, tu ne parlerais pas ainsi. -Alors demande à cette science de te protéger contre ces malheurs qui s'abattent sur toi. (À suivre) Y. H.