Il y a un an, Dimitri Payet semblait perdu pour l'équipe de France après un non-match en Albanie. Mercredi, il retrouve la nation qui a failli lui coûter sa place en sélection, mais cette fois avec le costume du héros après son match de vendredi face à la Roumanie. "Dimitri, je le chambre souvent avec son match face à l'Albanie l'an passé. Mais c'est le vrai Dimitri qu'on a vu aujourd'hui, celui qu'on aime", souriait Evra en zone mixte après la victoire de la France en ouverture de l'Euro sur la Roumanie. "Si on m'avait dit il y a un an de cela que je serais ici ce soir et avec ce scénario, je pense que je vous aurais dit : vous êtes malades." Ainsi parla Payet, en zone mixte, des étoiles plein les yeux après l'inondation de larmes consécutive à sa frappe lumineuse et libératrice de la 89e minute. Un but qui a soulevé l'admiration de toute la planète football. Parmi les nombreux tweets recensés, celui de Rio Ferdinand a été le plus pertinent. "Payet a démontré à tout le monde qu'il est de ceux qui changent un match dans un grand tournoi...", a écrit l'ancien défenseur de Manchester United, devenu consultant et qui a été le témoin de la transformation du Réunionnais depuis qu'il évolue en Premier League, avec West Ham. Autre témoin, encore plus proche, le gardien et capitaine des Bleus Hugo Lloris a appuyé le propos: "Le but de Dimitri ? Le faire en match amical et le faire en match officiel, cela montre qu'il commence à avoir de l'importance au sein de l'équipe, qu'il se sent à l'aise. Il prend le jeu à son compte. Quand il faut donner le ballon, il le fait. Quand il faut frapper, il prend ses responsabilités." "Responsabilités", voilà peut-être le mot-clé, s'agissant de quelqu'un qui a beaucoup revendiqué en équipe de France, mais n'avait jusqu'à présent jamais vraiment été à la hauteur de ses propres attentes ni de celles de Didier Deschamps. Au point qu'un schisme a fini par se creuser entre le sélectionneur et le joueur après cette indigne défaite du 13 juin 2015 à Elbasan, face à l'Albanie (1-0). DD en était sorti furieux du manque d'implication de certains joueurs, dont Payet. Le problème de taille était que l'ancien Marseillais avait déjà été ciblé pour les mêmes raisons lors de la tournée de juin 2013 en Amérique du Sud (défaites en Uruguay et au Brésil). Mais pour enfin voir le Dimitri qu'on aime comme le dit Evra, un destin ne se dessinant jamais seul, il a fallu de la persévérance de sa part et des aléas en sa faveur.
Résurrection Sérieusement blessé à la cheville gauche en novembre, Payet s'est d'abord battu contre le temps pour vite redevenir compétitif et sa seconde partie de saison, marquée par des buts superbes, notamment, sur coups francs, lui a permis de revenir dans le radar de DD. Entre-temps, étaient survenus les déboires de Mathieu Valbuena, victime du chantage à la sex-tape, et la mise en examen de Karim Benzema dans cette affaire. Il n'en a pas fallu plus pour Deschamps, dont l'opinion négative sur un joueur n'est jamais définitive tant que celui-ci peut apporter quelque chose à l'équipe, pour rappeler Payet en mars. Deux matches amicaux aux Pays-Bas (3-2) et contre la Russie (4-2) au cours desquels le meneur de jeu de 29 ans a su saisir sa chance, pour ne plus la lâcher. Sa démonstration face à la Roumanie, avec également ce centre décisif pour Olivier Giroud, des dribbles, des passes et une vision du jeu toujours juste, prouve qu'inclus dans le onze type, fort de la confiance placée en lui, il se montre meilleur à chaque sortie depuis les matches amicaux face au Cameroun (3-2) et à l'Ecosse (3-0). Face aux Roumains, Payet a inscrit son troisième but (sur 4 en 20 sélections) à partir de la 89e minute, comme un symbole de sa résurrection quasi inespérée en Bleu. Mercredi, le destin lui fera retrouver l'Albanie à Marseille. Inutile d'attendre si longtemps pour bien boucler la boucle.