La proposition du ministre de l'Energie d'arrêter l'exportation de pétrole brut et de le remplacer par des produits finis à travers le raffinage, devrait s'inscrire dans une problématique de développement d'un modèle énergétique algérien à l'horizon 2030. C'est l'avis du professeur Chemseddine Chitour qui reconnaît la nécessité d'exporter des produits finis à forte valeur ajoutée, notamment les carburants. Or, nuance-t-il, d'une part, on veut fabriquer ces produits mais on continue de les importer. "Nous avons importé pour 3,5 milliards de dollars de gasoil et d'essence dont une partie est utilisée par la contrebande à travers les frontières à cause du prix dérisoire de ces carburants", relève-t-il. Le Pr Chitour avoue que cette nouvelle perspective dans laquelle Noureddine Bouterfa veut engager le secteur de l'énergie date déjà de l'époque de Boumediene, que ce soit pour la construction de raffineries ou la fabrication de produits pétrochimiques. "Mais rien n'a été fait depuis 37 ans", constate-t-il. Un peu sceptique, l'expert affirme clairement : "Il ne faut pas se faire d'illusions, nous n'aurons les 5 raffineries que d'ici à 2020." D'abord, argue-t-il, la construction de raffineries coûte trop cher. L'édification d'une seule raffinerie est évaluée à plus de 3 milliards de dollars. Les 5 raffineries nécessiteront ainsi un montant de 20 milliards de dollars, une enveloppe dont ne dispose pas le pays. Cela étant, le spécialiste insiste encore sur le modèle énergétique que doit choisir l'Algérie fondé, selon lui, sur le principe : "Consommer moins en consommant mieux." À titre d'illustration, explique-t-il, l'on suppose que l'on réalise 20% d'économie d'énergie, c'est 10 millions de tonnes que l'on peut transformer en produits finis à forte valeur ajoutée, ou que l'on puisse laisser dans le sous-sol pour les générations futures. "C'est ça le développement humain durable", avoue Chemseddine Chitour qui suggère aux responsables "d'éviter les effets d'annonce et d'être réalistes". Il serait plus judicieux, estime-t-il, de faire des efforts pour une seule raffinerie. "Une production de 5 millions de tonnes permettrait de mieux respirer et de réduire les importations à condition d'augmenter en parallèle les prix des carburants dans le but de diminuer les déperditions enregistrées annuellement au niveau des frontières", indique le Pr Chitour. "L'Algérie avait une capacité de raffinage de 22 millions de tonnes soit, globalement, la moitié de ce que le pays exporte. Aujourd'hui, on peut faire plus mais il aurait fallu le faire quand les cours avoisinaient les 100 dollars", relève-t-il. Pis, en Algérie on parle encore de raffinage de carburants, d'énergies fossiles (primaires) alors qu'ailleurs, le système hybride des véhicules, plus approprié, est d'ores et déjà bien développé. La solution pour le spécialiste des questions énergétiques est de "rationaliser la consommation". Pour cela, le Pr Chitour propose l'ouverture d'un débat auquel prendront part la société civile et tous les secteurs d'activité dont l'éducation qui devra se pencher sur la formation de l'éco-citoyen de demain et l'instauration du baccalauréat du "développement durable". Les ministères des Ressources en eau, de l'Environnement y compris les Affaires religieuses... devront, également, s'impliquer sérieusement dans ce que le Pr Chitour appelle une "vision d'ensemble". B. K.