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L'économie de la rente et du chéquier doit céder la place à l'économie de l'intelligence Le professeur Chitour anime la première table ronde des JST10 à Oran
C'est une évidence, Chems Edine Chitour prêche dans le désert. Ce professeur émérite, directeur du laboratoire de valorisation des énergies fossiles, est intervenu lundi soir à l'ouverture de la 10e édition des Journées scientifiques et techniques de Sonatrach, mais surtout hier, en animant la première table ronde organisée au Centre des conventions d'Oran sous l'intitulé «Le monde de l'énergie : atouts et défis de l'Algérie». Son intervention sonne comme une alerte, mais ce sont ses innombrables références à Houari Boumediène qui rendent ses idées difficiles à mettre en œuvre dans l'Algérie d'aujourd'hui. L'ancien président de la République a été évoqué principalement pour ses capacités à imposer un cap de développement et donc une vision stratégique et, plus précisément, pour avoir déclaré en son temps : «Nous n'allons plus exporter du pétrole brut mais des produits raffiné.» C'est exactement de cela qu'il s'agit aujourd'hui, car la facture liée à la consommation interne commence à peser. «Nous produisons 100 millions de tonnes équivalent pétrole (tep) au total, seulement notre consommation interne a atteint 51 millions de tep», indique-t-il. mais son souci est que l'Algérie importe, par exemple, du gasoil à un dollar le litre pour le revendre à 13 DA. Pour le Pr Chitour, il n'est pas normal que tout le monde profite de cette subvention du prix des carburants, notamment les 4x4 qui consomment le plus. C'est le véhicule préféré des «nouveaux riches» (financièrement parlant) imités par une nuée de petits lieutenants qui voient là un modèle de réussite sociale. Pour illustrer ses propos, le Pr Chitour considère que sur les 46 milliards de dollars dépensés en 2012/2013, 6 milliards ont concernés les voitures contre 3 milliards pour les portables et 8 pour la nourriture. Le transport routier enregistre en Algérie la plus forte consommation d'énergie avec un taux dépassant les 34%. Rappelant que les recettes ont chuté de 74 milliards de dollars à seulement 34 en trois années, M. Chitour explique qu'«à l'évidence, devant une consommation non maitrisée et devant la chute des prix de pétrole, on ne peut pas continuer ainsi. Nous avons une fenêtre de trois à quatre ans au plus pour pouvoir mettre en œuvre une politique volontariste basée sur un mix énergétique et surtout une sobriété énergétique.» Son idée est qu'il faut mettre en œuvre un véritable plan Marshall qui consiste à prévoir une calorie d'énergie renouvelable pour chaque calorie fossile exportée, mais surtout faire correspondre à chaque fois l'acquisition d'un savoir-faire. Dans les énergies renouvelables, l'Algérie a effectivement lancé plusieurs expériences dans des domaines très variés, en fonction des atouts disponibles comme le solaire photovoltaïque ou même thermique mais aussi l'éolien. «Très insuffisant» pour le spécialiste. «Nous faisons aujourd'hui des choses intéressantes mais de façon décousue car il n y a pas de vision d'ensemble, il n'y a pas de cap comme ce fut le cas à notre époque, lorsqu'en plus, nous y croyions», déplore le Pr Chitour, en faisant remarquer que même les partenariats avec les majors pétrolières ne sont pas tellement bénéfiques car celles-ci ne sont intéressées que par l'amont, c'est-à-dire la production et non la transformation. D'où un intérêt particulier pour l'acquisition des technologies. Et c'est précisément le slogan des JST10. Il reste la décision politique et là le Pr Chitour est plus que jamais optimiste. Sollicité en aparté, il pense que «les décideurs ont buté sur des difficultés réelles donc ils vont revenir à nous, ils ont besoin de nos idées. D'une certaine façon, nous allons être sollicités de plus en plus et c'est maintenant qu'on peut donner la pleine mesure de notre savoir.Ce n'est plus l'économie de la rente ou du chéquier, c'est l'économie de l'intelligence, avec une pédagogie qui doit s'adresser aux citoyens pour éviter le gaspillage.» Sur le plan universitaire, le Pr Chitour critique ouvertement le système LMD et pense que l'Algérie a besoin d'ingénieurs de terrain pour faire avancer l'économie. Il prône le djihad, mais celui de la science et de l'effort. «Le pays est dans une position délicate mais, tempère-t-il, il n'est pas à genoux et la notion du développement durable va donner du grain à moudre avec son lot d'emplois nouveaux et de création de richesses.» Le Pr Chitour prône la réhabilitation du barrage vert vieux de 45 ans, mais en l'incluant dans la nouvelle vision du développement durable pour contribuer à freiner l'avancée du désert grâce aux efforts nationaux et internationaux dans le cadre de la COP21, à laquelle l'Algérie prendra part pour annoncer ses ambitions.