Célébrations historiques obligent, d'un côté comme de l'autre, le chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika, et le roi Mohammed VI du Maroc voisin se sont échangé, avant-hier, des messages d'une consistance politique certaine. La date du 20 août, faut-il le rappeler, coïncide avec la célébration des doubles anniversaires de la Révolution du roi et du peuple et de la Fête de la jeunesse, au Maroc, et, en Algérie, l'offensive du Nord-Constantinois, le 20 Août 1955, et le Congrès de la Soummam le 20 Août 1956. Dans son message, "glissé" dans son discours à la nation, prononcé en soirée, et sans doute en guise de réponse au message écrit qui lui avait été adressé dans la journée par le Président algérien, le souverain alaouite a exprimé clairement son souhait d'aller vers "un engagement et une solidarité sincère avec le voisin et rival algérien". Et de lancer, dans la foulée, un appel à Alger pour "œuvrer ensemble, avec sincérité et de bonne foi, pour servir les causes maghrébines et arabes et pour relever les défis qui se posent au continent africain". Il mettra en avant, notamment, les fléaux du terrorisme et la migration clandestine, de plus en plus pesants sur la région. Non sans évoquer les "efforts" consentis par son pays sur ce plan. Comme pour convaincre, il fera même le parallèle avec "la coordination et la solidarité entre les chefs de la Résistance marocaine et le Front de libération nationale algérien (FLN) contre le colonisateur français". Une solidarité qu'il souhaite voir se renouveler en ces temps marqués, rappelle-t-il, par la conjoncture que traversent les peuples arabes et la région du Maghreb. Il invoque "les défis communs de développement" et "les défis liés à la sécurité". "Nous aspirons au renouvellement de cet engagement et de cette solidarité sincère qui unit depuis toujours les peuples algérien et marocain", a-t-il martelé. Une "solidarité" à laquelle le président Bouteflika n'aspire pas moins. "Je saisis cette occasion pour vous réitérer notre ferme détermination à œuvrer de concert avec Votre Majesté au raffermissement des liens de fraternité et de solidarité entre nos deux peuples frères au mieux de leurs aspirations au progrès et à la prospérité", lit-on dans le message de vœux adressé par Abdelaziz Bouteflika à Mohammed VI, non sans "remémorer", de son côté, "les valeurs d'entraide, de cohésion et de construction commune puisées dans la lutte commune et les énormes sacrifices consentis par nos peuples maghrébins pour se libérer du joug colonial". Si l'on doit se contenter des messages des deux responsables, on croirait à une lune de miel entre l'Algérie et le Maroc. Or, ces messages plutôt positifs contrastent, c'est le moins que l'on puisse dire, avec la réalité des relations difficiles entre les deux pays voisins, avec une frontière terrestre fermée depuis 1996, mais aussi une lutte d'influence, tantôt sourde tantôt bruyante, autour de la question du Sahara occidental. Mieux, ces messages interviennent au moment même où les deux pays s'engagent, d'un côté comme de l'autre, à ériger deux murs. Le Maroc était le premier à lancer, en 2014, la construction d'un mur en béton le long de la frontière (150 km) sous prétexte de "se protéger de la menace terroriste". Dans sa réplique, l'Algérie a également entamé dernièrement la construction d'un mur parallèle, haut de 3,5 m et long de 5 km. Cette barricade a pour objectif de mettre un terme au déferlement de la drogue en provenance du Maroc voisin, un des principaux pourvoyeurs au monde. Entre les deux pays, il est difficile, aujourd'hui, de déceler "une construction commune" autre que celle de ces murs... Farid Abdeladim