L'autoproclamé Etat islamique (Daech) tente de desserrer l'étau sur lui en Irak et en Syrie en s'exportant chez les pays voisins, comme le Yémen où il veut disputer la place à la branche locale d'Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa). Un attentat-suicide a coûté la vie à au moins soixante personnes devant un centre de recrutement de l'armée à Aden, selon des sources hospitalières. À lui seul, l'hôpital de Médecins sans frontières (MSF) a indiqué dans un tweet avoir reçu 45 morts et 60 blessés. Le carnage a vite été revendiqué par Daech. "Une soixantaine de tués dans une opération martyre d'un combattant de l'Etat islamique contre un centre de recrutement de l'armée à Aden", a écrit l'agence Amaq, organe de propagande du groupe terroriste. Selon des sources de sécurité, l'explosion s'est produite dans la cour de l'école Sanafir du quartier Mouammar Kadhafi, du nom de l'ancien dirigeant libyen, à la sortie nord de la ville d'Aden. Les recrues, rassemblées dans la cour, terminaient les formalités pour rejoindre les rangs des forces armées yéménites que le gouvernement en exil en Arabie saoudite veut renforcer avec l'aide de la coalition arabe. Selon des témoins, le kamikaze a profité de l'entrée d'une camionnette de livraison pour lancer son véhicule contre le rassemblement des recrues. La déflagration a été si forte qu'"elle a provoqué l'effondrement d'un toit d'une salle de classe sur la tête de nombreuses recrues", a précisé un responsable de sécurité. Les terroristes ont multiplié les attentats et les attaques contre les forces de l'ordre et des responsables politiques d'Aden en dépit de diverses mesures et de nombreux plans pour sécuriser la ville. En guerre contre les Houthis, le gouvernement de transition yéménite avait décrété Aden comme la capitale provisoire du pays. Le dernier de ces attentats s'était produit le 20 juillet. Il avait coûté la vie à quatre policiers et avait été revendiqué par l'EI. Le 6 juillet, les forces gouvernementales, soutenues par la coalition arabe, avaient délogé des terroristes d'une base militaire d'Aden contre laquelle ils avaient perpétré un double attentat puis lancé un assaut. Aqpa avait revendiqué le double attentat-suicide et le raid qui avait suivi contre la base jouxtant l'aéroport international, tuant dix soldats. En mai, l'EI avait déjà revendiqué des attentats particulièrement meurtriers : une double attaque contre des recrues de l'armée et une base militaire à Aden (41 morts) et un attentat suicide contre de jeunes recrues de la police dans le sud-est, à Moukalla (41 morts). Dans le sud en général, les forces gouvernementales ont mené depuis mars des opérations qui leur ont permis de reprendre plusieurs villes et localités aux terroristes. Les Etats-Unis, qui considèrent Aqpa comme la branche la plus dangereuse d'Al-Qaïda, mènent régulièrement des frappes aériennes, souvent par drones, contre ses chefs et ses combattants au Yémen. Face aux offensives, les groupes terroristes semblent éviter la confrontation directe et préfèrent se replier dans les zones montagneuses entourant les villes. L'attentat d'hier intervient sur fond de blocage du processus de paix entre rebelles et gouvernement après l'échec le 6 août de négociations de paix organisées à Koweït par les Nations unies. Le secrétaire d'Etat américain John Kerry, de passage à Jeddah en Arabie Saoudite, a proposé jeudi dernier une nouvelle approche pour résoudre le conflit sur la base de la formation d'un gouvernement d'union nationale. Mais l'Arabie Saoudite a un autre agenda pour empêcher toute possibilité d'émergence d'un gouvernement incluant les chiites au Yémen. L. M./Agences