Plusieurs dizaines de personnes se sont rassemblées hier, à la Grande-Poste d'Alger, pour dénoncer "le crime odieux" d'Amira Merabet, 34 ans, brûlée vive à El-Khroub (Constantine). Bien avant l'heure du rendez-vous, fixée à 11h, des policiers en tenue et en civil ont investi les lieux pour déloger les manifestants et dissuader les passants intéressés par la manifestation. Ils ont fini par déplacer les plus tenaces vers le jardin Khemisti, en face de la Grande-Poste, suscitant l'indignation des manifestants, mais également celle des passagers. "Ce n'est pas normal de les chasser et de s'en prendre aux femmes ; nous ne sommes plus à l'ère coloniale", s'est offusqué un vieux passant. Outrée, Fatma Oussedik, sociologue et néanmoins cadre du Réseau Wassila, s'est écriée : "Abdelkader Messahel parle de la démocratie comme d'une arme contre la radicalisation, comme le meilleur rempart contre le terrorisme, mais sur la place algérienne, on réprime le mouvement social." En plus clair, les déclarations faites très récemment par le ministre des Affaires maghrébines, lors de la Conférence internationale sur le rôle de la démocratie dans la lutte contre le terrorisme et la violence, sont destinées à "la consommation externe", selon elle. Pourtant, dira-t-elle, "on en a assez de compter les morts en Algérie". Dans leurs témoignages, Mme Oussedik, d'autres militants associatifs et des citoyens, jeunes et moins jeunes, en casquette, en chapeau, en hidjab ou cheveux au vent, n'ont eu de cesse d'interpeller les pouvoirs publics sur "l'application des lois" et sur le "rôle de l'Etat dans la défense et la protection" des droits des citoyens, notamment des "franges vulnérables" de la société, dont les femmes et les enfants. Bon nombre d'entre eux ont révélé qu'ils sont venus pour "dénoncer l'injustice". D'aucuns ont accusé "le système politique" et le "code de la famille" d'être à l'origine de cette violence dans les espaces publics. D'autres, en revanche, ont estimé que les dirigeants sont occupés à "normaliser" la population, en perspective de la présidentielle de 2019. "L'impunité manifestée à travers la charte pour la réconciliation nationale ayant permis à Mezrag de glorifier ses crimes publiquement, les attaques ciblant les femmes, des femmes de ménage de Hassi-Messaoud à Amira Merabet de Constantine, en passant par Razika Chérif de M'sila, sans oublier les autres femmes qui meurent tous les jours obéissent à la logique de la peur, de la soumission et de la normalisation", a soutenu un jeune manifestant. Par bien des aspects, le rassemblement d'hier a été l'occasion pour certaines femmes de témoigner des violences subies. C'est le cas de cette jeune femme "harcelée" par le DG de son entreprise, qui a été "bien reçue" par la police, même si l'institution n'a rien pu faire en l'absence de "preuves". Alors qu'elle témoignait, cette dernière a été filmée par un policier et il lui a fallu protester auprès des agents présents et alerter les participants pour voir la séquence filmée effacée. "Le pays est très mal depuis l'introduction de l'éducation islamique", a averti une retraitée de l'éducation, notant que cette matière a été "une occasion pour certains enseignants de formater l'esprit des enfants, portant atteinte à l'ouverture d'esprit et à la capacité de réfléchir". H. Ameyar