Le philosophe français, Abdennour Bidar, estime que l'humanité est encore en quête de sens. De passage à Montréal où il a donné une conférence, vendredi, à l'invitation du Conseil interculturel de Montréal, M. Bidar soutient que la violence qui a caractérisé pratiquement la fin du XIXe siècle et la moitié du XXe siècle a presque anéanti le mouvement humaniste mondial. "Les colonisations et les guerres ont apporté un démenti aux idéaux humanistes qu'il faudrait désormais réinventer", a-t-il soutenu. L'émergence du phénomène de la radicalisation des jeunes doit être appréhendée dans son contexte historique. "Il faut, à mon avis, relativiser les choses", dit-il. Pour lui, ces jeunes qui partent faire le djihad doivent nous interpeller, en ce sens que ce phénomène, apparu depuis la "mondialisation" de la subversion terroriste, révèle des dysfonctionnements sociaux. "Cela nous dit quelque chose sur l'état de nos sociétés d'aujourd'hui et, plus prosaïquement, sur la civilisation humaine", explique le philosophe spécialiste des évolutions de l'islam contemporain et des théories de la sécularisation. Ce dernier croit qu'on est en crise de religion comme système de pensée, au sujet de la polémique qui enfle en France sur la place de l'islam dans la société. "On est dans un moment de crise historique ; la France n'est pas à la hauteur de sa devise inscrite sur le fronton de la République", regrette-t-il, avant de tomber à bras raccourcis sur les partisans de l'islam radical, le salafisme ou ce que l'islamologue Mohamed Arkoun appelle "la mytho-histoire de l'islam". "Dès lors que nous sommes dans un même espace de vie, nous devons faire un pas éthique considérable. Il faut trouver un humanisme partageable. L'islam, ce n'est pas le couteau entre les dents", dénonce encore Abdennour Bidar pour qui le système de pensée est à revoir. Citant l'œuvre d'Arkoun, l'orateur soutient que l'islam est aussi humanisme. Le docteur en philosophie, qui a été nommé en 2013 par le président français François Hollande au sein de l'Observatoire national de la laïcité, croit que le dialogue entre les visions du monde est une exigence historique dans ce monde qui a perdu l'intelligence des symboles. Lors des débats, le philosophe d'origine tunisienne est revenu sur sa Lettre ouverte au monde musulman, un pamphlet sans concession où l'auteur interpellait les musulmans à la suite de l'attaque terroriste contre le journal Charlie Hebdo. De Montréal : Yahia Arkat