Le secteur de l'éducation connaît un mouvement massif de départs à la retraite anticipée, depuis la décision du gouvernement de supprimer la retraite sans condition d'âge. Depuis l'annonce de la fin programmée du régime de la retraite anticipée, dans le secteur de l'éducation, c'est la saignée. Avec une moyenne avoisinant les 40 000 départs, le secteur passe pour le plus gros pourvoyeur de jeunes retraités. Les syndicats évoquent deux principales raisons à cette course à faire valoir le droit à la retraite sans condition d'âge : la pénibilité du métier d'enseignant et les possibilités de redéploiement dans l'enseignement privé. Ainsi, par la voix de son secrétaire général, Ferhat Chabekh, la Fédération nationale des travailleurs de l'éducation (FNTE), relevant de l'Union générale des travailleurs algériens (UGTA), estime que l'engouement que connaît cette opération, qui n'est pourtant qu'à ses débuts, est dû au flou qui a entouré les modalités de départ à la retraite. Le syndicaliste a révélé avoir introduit une demande auprès du ministère pour organiser une journée d'étude spéciale sur la retraite, qui aura lieu avant le 15 octobre. Ferhat Chabekh a estimé que les opportunités offertes par l'ouverture du secteur de l'éducation au privé sont en partie la cause de cette saignée, arguant du fait qu'il y a une forte demande en enseignants pour certaines filières, notamment les maths, les sciences ou la philosophie. Cependant, la fnte estime que le projet de loi en question ne bénéficie pas de la priorité puisqu'il n'est pas programmé par le bureau de l'Apn. Son responsable dira aussi s'attendre à ce que le secteur de l'éducation soit intégré dans la nomenclature des métiers pénibles et que d'ici là, il y aura moins de gens qui vont partir à la retraite. Le secrétaire général du Snapest, Meziane Meriane, estime, pour sa part, que la raison de ce phénomène est la même qui a mené à l'application du décret 97-13, pour faire sortir les gens en retraite anticipée, parce qu'il y avait une crise financière à l'époque et que les usines étaient sur le point de mettre la clef sous le paillasson. Dans son analyse de la situation, M. Meriane a considéré qu'"on encourage les gens à sortir en retraite anticipée, en disant que le 31 octobre c'est le dernier délai. C'est pour cela qu'il y a une ruée pour le dépôt des dossiers". Le syndicaliste a averti cependant qu'il risque d'y avoir un problème : le pourvoi aux postes vacants. Une compression déguisée Selon lui, "le ministère des Finances ne peut pas pallier cette situation de départs massifs, en créant autant de postes budgétaires, au vu du déficit budgétaire énorme qu'on a actuellement". Meriane ne se retient pas, par ailleurs, de dire qu'"il s'agit d'une compression d'effectifs indirecte et d'une façon diabolique". "La caisse de retraite est déficitaire, comment pourra-t-on alors faire face à une telle ruée ?", justifie-t-il. Ceci étant, le SG du Snapest ne manque pas de souligner que les enseignants retraités ne seront pas forcément repris dans le secteur privé, puisque, avance-t-il, une loi d'accompagnement va sortir, pour empêcher les retraités d'exercer à nouveau dans le privé. Le Satef n'en pense pas moins, puisque son secrétaire général, Boualem Amoura, juge que "cette situation peu reluisante est analogue à celle de 1997, lorsque les prix du pétrole ont dégringolé. Comme prétexte pour fermer les entreprises publiques, on a créé ce départ à la retraite anticipée". Et ce, avant de s'interroger : "Quelle mouche a piqué le gouvernement pour annoncer en ce moment, où le pays va connaître des échéances électorales, la suppression de la retraite anticipée ? Est-ce que ces gens là cherchent une explosion sociale ou une paix sociale ?" Pour le Satef, "quand on pense au bien de l'Algérie, nous ne devons pas verser de l'huile sur le feu". En notant que le chiffre avancé des enseignants ayant formulé le vœu de partir à la retraite est exagéré, le Satef fait remarquer que le travail d'enseignant est usant. Le responsable du syndicat a déploré les mauvaises conditions de travail qui en seraient la cause. Le SG du Satef estime qu'il aurait été plus judicieux de garder la retraite à 32 ans de service et de laisser le libre choix aux travailleurs, notamment les enseignants, pour éviter cette saignée. De son côté, le secrétaire général de la Fédération de l'éducation du Snapap, Belamouri Loghlaith, met l'accent sur la pénibilité du métier d'enseignant pour expliquer ces départs massifs. "Cette question ne concerne pas uniquement le secteur de l'éducation, mais la Fonction publique en général", a-t-il déclaré. Se référant à un sondage organisé par son syndicat, M. Belamouri a balayé d'un revers de la main les assertions sur l'attrait du privé sur les enseignants en affirmant que "moins de 20% seulement des enseignants rejoignent le secteur privé, après leur départ à la retraite". Mais ce sont les conditions de travail dégradées qui en sont les causes, a-t-il affirmé, ajoutant qu'"au Snapap nous avons des échos des souffrances subies par les travailleurs des Apc, dues aux pressions et à l'absence de moyens, en sus des mesures arbitraires qu'ils subissent". Et pour clore le tout, M. Belamouri évoquera "cette publicité gratuite qu'a faite le gouvernement pour le départ à la retraite". Le syndicaliste dira : "Nous envisageons de tenir une conférence nationale, et nous avons demandé au gouvernement d'organiser un colloque dans un proche avenir, car nous avons des solutions concernant cette catastrophe de la retraite proportionnelle et qui sont à même de satisfaire les revendications des fonctionnaires notamment au sein de la Fonction publique." AMAR R.