La question des libertés démocratiques fait-elle partie des priorités du pouvoir algérien ? Cette interrogation s'est invitée, hier, à la conférence-débat organisée par l'association des jeunes du Raj, à Alger, dans le cadre de la commémoration des événements tragiques d'Octobre 88. "Octobre 88 est une deuxième naissance de l'Algérie après l'Indépendance, mais cette brèche qui a donné l'espoir d'une Algérie démocratique a été tout de suite refermée", a déclaré le président du Raj, Abdelouhab Fersaoui, dans son intervention, non sans alerter sur "le marasme social" et sur l'amenuisement des espaces de débats. Pour Kadi Ihsane, directeur de Maghreb émergent, Octobre 88 a bien été "le point de départ de l'ouverture démocratique", grâce aux sacrifices des jeunes. Seulement, il tiendra à préciser que le projet des libertés démocratiques, "central dans le mouvement national", n'a jamais été "celui du pouvoir", qui a été obligé de jouer le jeu, pour ne pas avoir de problème avec les ONG internationales des droits de l'Homme. "Les libertés démocratiques ont une tare dans la façon où elles sont arrivées ; elles n'ont jamais fait partie de la pensée du pouvoir", a-t-il soutenu, en notant l'absence de "vrai changement", voire la mise en œuvre d'"une déconstruction après Octobre 88". L'animateur a estimé que "nous sommes dans une situation de détresse", en matière de libertés démocratiques, lesquelles "sont piétinées par Bouteflika", en constatant que ce dernier "nous met en danger" et en déplorant le retour de "l'ancien système". Pourtant, Kadi Ihsane s'est montré "optimiste", convaincu que face à la pression populaire, "le pouvoir fera prochainement des concessions, ne serait-ce par tactique". "Cette fois, il faut espérer que cette ouverture nous permettra d'obtenir l'alternance démocratique, avec des acteurs responsables. Il faut juste attendre que les acteurs sociaux bougent", a-t-il révélé. Il sera contredit par le responsable du Raj, qui lui rappellera que le pays est "en fin de règne d'un président", mais pas "en fin de système". "Dans cette transition, il peut y avoir quelques ouvertures, mais nous ne faisons rien pour changer le rapport de forces sur le terrain". L'autre animateur, Messaoud Boudiba, porte-parole du syndicat du personnel enseignant du secteur ternaire de l'éducation (Cnapest), ira dans le sens de M. Fersaoui, en rejetant l'idée d'ouverture démocratique "prochainement", en raison des verrouillages dressés contre les mouvements syndicaux et sociaux et les "remises en cause" contenues dans le nouveau code du travail. En revanche, il admettra que s'il y a ouverture, "elle n'émanera pas de la société, mais se fera dans le cadre des équilibres internes". De son côté, Nouredine Benissad a reconnu les pas franchis depuis Octobre 88, citant l'instauration du multipartisme, le plurisyndicalisme, la ratification des conventions internationales sur les droits de l'Homme et la levée des "tabous" (liberté de culte et reconnaissance de la langue amazighe). Hafida Ameyar