Le Liban n'est finalement pas près de sortir de la crise. Le président syrien Bachar Al-Assad concède, tout au plus, au déplacement de ses troupes dans la Bekaâ, la plaine frontalière avec la Syrie. Dans une allocution très attendue devant son Parlement, il devait se prévaloir des accords de Taef (Arabie Saoudite, 1989), prévoyant un retrait progressif des Syriens, mais sans fixer de date précise. Face aux avertissements répétés de Bush, le président syrien a promis de réunir, dès la semaine prochaine, la grande commission syro-libanaise, pour peaufiner un retrait total, lorsque les conditions sécuritaires au Liban le permettront ! Mais le président américain a rétorqué immédiatement qu'il voulait un retrait complet de la Syrie. Il faut donc s'attendre à un sérieux bras de fer dans la région. Bachar, dont le pays exerce une tutelle chez son petit voisin, est pourtant très isolé. Le rassemblement des 14 000 soldats syriens dans la Bekaâ devrait avoir lieu, selon des indiscrétions à la presse russe par le ministre des Affaires étrangères syrien, avant le Sommet arabe, prévu les 22 et 23 mars à Alger. Le président syrien, qui est sous la pression des Occidentaux, éviterait ainsi de mettre dans la gêne ses pairs arabes, qui n'auraient pas à l'enfoncer davantage. Par ailleurs, même la Russie, que Bachar avait comptabilisée parmi ses derniers soutiens, insiste implicitement sur le respect de la résolution 1559, qui exige le retrait total de la Syrie du Liban. Le président syrien a également été éconduit par l'Arabie Saoudite, auprès de laquelle il pensait trouver compréhension, sinon une intercession en sa faveur chez le président américain, rappelant au prince héritier que l'arrangement syro-libanais avait été conclu à Taef, avec la bénédiction de tous les Arabes. Désemparé, Al-Assad n'a pas hésité à solliciter un régime, pourtant décrié par Washington depuis les attentats des deux tours new-yorkaises, commis par Al-Qaïda. Le prince héritier saoudien Abdallah ben Abdel Aziz ne s'est pas gêné pour conseiller à Bachar de se retirer rapidement, en rendant public un échéancier. Washington peut estimer avoir les mains libres pour mettre à exécution ce que Bush et Condoleezza Rice promettent à Bachar, qu'ils accusent, sans apporter de preuves, de concussions avec la guérilla sunnite irakienne et de fervent soutien de milices du Hezbollah libanais, qui continuent de donner des sueurs à Israël. Le président américain, dans cette affaire, bénéficie de tout le soutien de l'Occident. Principalement celui de la France avec laquelle il était, pourtant, sérieusement fâché. Le président Chirac, lui, avait, en effet, reproché, à l'époque, l'invasion de l'Irak, sa conduite multilatéraliste et son ambition de casser l'ONU. L'opposition libanaise, qui caresse l'espoir de voir aboutir sa “révolution des Cèdres”, occupant, sans relâche, la place des Martyrs, le cœur de Beyrouth, où Hariri, milliardaire et ex-Premier ministre, devenu fervent partisan du retrait syrien, a été assassiné, se déclare insatisfaite. Criant “Damas dehors”, les manifestants, ceints d'écharpes rouges et blanches, exigent de Bachar la levée de ses équivoques quant à sa présence au Liban et un calendrier pour le retrait définitif de ses soldas. Pragmatique et réaliste, le leader druze, Djoumblat, qui, apparemment, a tout l'air de prendre la relève de Hariri à la tête de l'opposition démocratique, cherche à éviter l'impasse totale, en nouant des contacts avec les chiites du Hezbollah et le président du Parlement, Nabih Berri, qui sont, en fait, des négociations indirectes avec Damas. Le président libanais pro-syrien, Emile Lahoud, très isolé et fortement décrié, cherche à sauver les meubles, annonçant des consultations pour la désignation d'un nouveau Premier ministre, une semaine après la démission du gouvernement pro-syrien d'Omar Karamé. D. B.