Décidément, il n'y aura jamais unanimité sur la Syrie quoi qu'elle fasse. La preuve a été donnée hier par les réactions au discours prononcé samedi dernier par le président Bachar El Assad. Celles-ci sont tout simplement ambivalentes, voire contradictoires. Il y a ceux qui se déclarent satisfaits de l'engagement du chef de l'Etat syrien de redéployer l'armée de son pays au Liban en deux temps, d'abord vers la plaine de la Bekaâ, et ensuite du côté syrien de la frontière commune. Il y a ceux qui se persuadaient que Damas allait se soumettre à leurs injonctions, c'est-à-dire annoncer un retrait immédiat. A cet égard, le département d'Etat américain a jugé « insuffisants », samedi, les propos du chef de l'Etat syrien regrettant de n'avoir « pas entendu les mots : retrait immédiat et complet ». « Nous n'avons pas entendu les mots : retrait immédiat et complet. Ils sont au centre de la résolution 1559 », a-t-il ajouté. Quant à la Grande-Bretagne qui menaçait la Syrie d'une mise au ban de la communauté internationale, elle a accueilli favorablement le discours du président syrien en le qualifiant de « premier pas » devant être effectué le plus tôt possible. « J'ai appris avec plaisir que, dans un premier pas, le président syrien a annoncé que la Syrie va commencer à appliquer l'accord de Taef en redéployant ses troupes vers la plaine de la Bekaâ », a notamment affirmé le ministre britannique des Affaires étrangères Jack Straw, samedi, dans un communiqué. Straw a ajouté que le comité libano-syrien travaillant sur le retrait des troupes syriennes « doit prendre en compte l'opinion du peuple libanais ». « Nous attendons que le retrait des troupes syriennes de l'ensemble du Liban progresse rapidement, conformément à la résolution 1559 du conseil de sécurité de l'ONU », a encore indiqué M. Straw. La Russie a accueilli favorablement l'engagement du président syrien soulignant que « ce retrait permettra l'instauration de la stabilité politique dans ce pays et l'allègement des pressions exercées actuellement sur la Syrie et le Liban ». Pour le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, « cette décision lance un processus positif vers l'application de l'accord de Taef, d'une part, et le maintien du cadre général des relations syro-libanaises sans qu'il y ait des entraves concernant l'accord de Taëf ou les exigences de la résolution 1559 ». Les Libanais, au nom desquels de nombreux pays s'octroient le droit de parler, sont, quant à eux, divisés comme l'ont démontré les manifestations de samedi. Des milliers de personnes hostiles à la tutelle syrienne manifestaient samedi soir à Beyrouth, après l'annonce du président syrien, alors que 2000 pro-Syriens marquaient leur solidarité avec Damas. Plus de 20 000 partisans de l'opposition occupaient le centre de la capitale et sillonnaient en voiture les rues adjacentes en faisant tournoyer des drapeaux libanais pour célébrer l'annonce du retrait syrien du Liban. Des centaines de pro-Syriens ont manifesté à Beyrouth, à Tripoli (Nord), à Baâlbeck (Est) et à Nabatiyé (Sud) pour exprimer leur appui à M. Assad en brandissant ses portraits. Une centaine de personnes s'est rassemblée devant le QG des services de renseignement syriens à Beyrouth, où le chef de la branche libanaise du parti Baâth (au pouvoir en Syrie) a salué le discours du président Assad. Et puis, tenons nous bien, il y a Israël. Le chef de la diplomatie israélienne, Sylvan Shalom, a, en effet, accusé hier la Syrie d'être mêlée au terrorisme et a réitéré son exigence d'un retrait total des troupes syriennes du Liban. Le comble sera atteint par ce ministre en affirmant que « la Syrie fait tout pour ne pas appliquer la résolution 1559 du Conseil de sécurité de l'Onu, qui appelle à un retrait total de ses troupes du Liban (...), comme si Israël a toujours respecté les resolutions en question ». M. Shalom a tout de même indiqué qu'« Israël est prêt à un dialogue avec la Syrie et a engagé des contacts discrets à ce sujet ». Il a cependant ajouté que « la Syrie ne peut pas parler de paix et soutenir en même temps le terrorisme, tout en couvrant et profitant du trafic de drogue au Liban ». Israël, au centre de tous les trafics internationaux comme les armes trouvées récemment en Côte d'Ivoire malgré l'embargo international, ne craint pas le ridicule. Par ailleurs, l'envoyé spécial de l'Onu au Liban, Terje Roed-Larsen, est attendu vendredi à Beyrouth, avant de se rendre à Damas pour discuter du retrait syrien du Liban, exigé par la résolution 1559 du Conseil de sécurité de l'Onu. Il se rendra samedi ou dimanche à Damas, pour des entretiens avec les dirigeants syriens. « Ses discussions porteront sur l'application de la résolution 1559 », adoptée le 2 septembre et qui réclame un retrait des forces étrangères du Liban, dans une allusion claire à la Syrie qui maintient 14 000 soldats au Liban, selon un porte-parole de l'ONU. On sait que l'organisation internationale ne tient pas compte des discours. Seuls les actes comptent, et elle en attend pour la prochaine réunion du Conseil de sécurité qui examinera l'état d'application de la 1559 le mois prochain.