Le doc Sonita de Rokhsareh Ghaem Maghami suit le parcours d'une jeune Afghane réfugiée en Iran, qui se bat pour exercer son métier de chanteuse dans un pays où les femmes sont privées de leurs droits. Révoltant et touchant, tels sont les adjectifs qui qualifient le film Sonita de l'Iranienne Rokhsareh Ghaem Maghami, projeté mardi, à la salle El-Mougar, dans le cadre du 7e Festival international du cinéma d'Alger (dédié au film engagé). Ce documentaire de 91minutes, réalisé en 2015 (deux grands prix au Festival de Sundance 2016), suit le parcours de la jeune Afghane Sonita (hirondelle), qui travaille dans un centre de réinsertion pour jeunes Afghanes à Téhéran (Iran). Cette réfugiée de 18 ans vit avec sa sœur et sa petite nièce. Mais cette gamine est différente des jeunes Afghanes de son âge : passionnée et déterminée à changer de vie, elle décide de mener une carrière de chanteuse dans un pays où la femme est privée de tous ses droits. Fascinée par des artistes comme Rihanna ou Michael Jackson, Sonita, décide de se mettre au rap pour dénoncer les injustices sociales et la condition féminine. Très touchante et grande rêveuse, elle n'aspire qu'à une seule chose : réussir et sortir du lot. Mais elle sera rapidement désillusionnée, car sa mère la rejoint en Iran pour la "vendre" pour 9 000 dollars à un éventuel mari. À rappeler que dans la coutume afghane, les jeunes filles sont "vendues" comme du bétail par leurs parents. Révoltée par cette décision relevant de pratiques moyenâgeuses, Sonita demande de l'aide à sa marraine du centre de réinsertion qui, malheureusement, ne peut la sauver. À ce moment-là, le doc prend une autre tournure, la rappeuse propose à Rokhsareh Ghaem Maghami de l'"acheter" à sa mère. "Je ne peux pas. Je suis ici pour filmer le réel. Ton parcours", lui répond la réalisatrice. Finalement, pour finaliser le tournage de son œuvre et empêcher ce mariage, la documentariste remet 2 000 dollars à la maman. Cette somme représente un "sursis" de 6 mois à Sonita pour rester en Iran. À cet effet, la réalisatrice se retrouve protagoniste du film, et change malgré elle la suite du doc. Suite à cet événement, l'Iranienne filme le premier clip de la rappeuse dont le titre Une fiancée à vendre fait un tabac sur le Net. Vêtue d'une robe blanche et tatouée d'un code-barres sur le front, elle scande la violence faite aux femmes dans son pays et dénonce le mariage forcé. "Je crie pour un corps épuisé dans sa cage. Un corps qui plie sous le poids d'un code-barres. Je suis perplexe devant cette tradition et ce peuple. Vendre des filles pour de l'argent, avec zéro droit de choisir", a-t-elle chanté dans son morceau. Après le succès, la réalisatrice l'aide à décrocher une bourse dans un établissement de musique aux Etats-Unis. Arrivée au pays de l'Oncle Sam, la jeune Afghane voit son rêve se réaliser et devenir réalité. Ce film très attachant et bouleversant donne de l'espoir et démontre que la détermination et la volonté permettent de franchir les frontières. À l'issue de la projection, l'assistance a longuement salué ce doc fort émouvant qui a fait pleurer plus d'un dans la salle. Présente au Fica, Rokhsareh Ghaem Maghami s'est prêtée au jeu des questions-réponses avec le public. D'ailleurs, la remarque qui revenait le plus est son "implication dans le film", "assumer ce choix : celui de ne pas être qu'une simple observatrice". À l'autre réflexion des spectateurs, celui d'avoir "donné une image positive sur les Américains, alors qu'ils sont responsables de la situation en Afghanistan", elle a répondu à ce propos qu'elle est "embarrassée de montrer les Etats-Unis comme des sauveurs". Pour rappel, la soirée de clôture de ce 7e Fica aura lieu ce soir à 19h, au Mougar, avec la projection du film brésilien Le violoniste (hors compétition) et la remise des prix dans les catégories documentaire et fiction. Hana Menasria