Une scène du film Le documentaire Sonita de la réalisatrice iranienne Rokhsareh Ghaem Maghami est un véritable plaidoyer pour la solidarité envers autrui, par le cinéma, mais aussi par la main qu'on peut tendre aux gens influant inexorablement sur le cours de leur vie... Cela aurait pu être une fiction, tant l'histoire de cette jeune fille afghane de 18 ans est palpitante. Jusqu'aux larmes! Son parcours pourtant, a été fortement évoqué en début de semaine avec le film de la réalisatrice yéménite Khadija - el Salami en abordant le mariage forcé chez les filles. Ici, en l'occurrence, dans ce documentaire des plus bouleversants, la fille concernée s'appelle Sonita. Il s'agit du titre du film, réalisé par Rokhsareh Ghaem Maghami, figure nouvelle du cinéma iranien. Une cinéaste qui a pris des risques pour sauver cette fille et l'a poussée à réaliser ses désirs. Mais comment cela aurait pu être autrement devant une personne aussi ambitieuse, positive et qui croit en elle comme Sonita. Le synopsis du film: «Sonita, 18 ans, avait eu son mot à dire, elle aurait comme parents Michael Jackson et Rihanna. Réfugiée afghane clandestine en Iran, elle habite depuis dix ans dans la banlieue pauvre de Téhéran. Sonita rêve de devenir artiste, une chanteuse en dépit des obstacles auxquels elle est confrontée en Iran et dans sa famille. En effet, sa mère lui réserve un tout autre destin: celui d'être mariée de force et vendue pour la somme de 9000 dollars. Mais Sonita n'entend pas se soumettre: téméraire et passionnée, elle bouscule les codes de cette culture conservatrice et décide de se battre pour vivre sa vie». En effet, dans ce film on nomme un chat un chat, autrement dit la dot de Sonita servira à son frère à son tour pour se marier. Ici le mot «vente» est évoqué à de nombreuses reprises. Eprise de rap, Sonita au risque de sa vie, enregistre une chanson qui dénonce ce genre de trafic humain et tourne même un clip, dans un pays où la loin interdit aux filles de chanter en solo, encore moins de montrer leurs cheveux. Dès lors, en se mettant en situation irrégulière, le foyer qui l'hébergeait a été obligé de la laisser tomber. Pour chance, on entend parler d'elle aux USA et elle est inscrite grâce à une bourse de trois ans dans une école de musique. «Au départ, je voulais montrer le côté noir du quotidien de ces enfants, puis l'histoire a pris une nouvelle tournure. C'était intéressant de voir comment une fille qui n'avait rien, faisait tout pour se battre et développer ses chansons par amour du rap. Inspirée du chanteur rappeur Yas. Je suis embarrassée de l'image que je peux donner des USA, ils sont effectivement la cause de la guerre qui se passe là-bas; mais en même temps, ce sont eux qui ont contacté Sonita, mais cela ne veut pas dire que je voudrais donner une image des USA comme étant des sauveurs», confiera la réalisatrice qui n'hésitera pas à se faire filmer en s'investissant doublement dans le destin de cette chanteuse, et en payant à sa mère 200 euros pour la garder encore en Iran et lui trouver par la suite de l'aide aux USA. L'engagement de la réalisatrice s'en ressent doublement et est tellement manifeste que la salle El Mouggar ne pouvait que l'applaudir à tout rompre. Sonita est un film remarquable, même si sur le plan cinématographique techniquement parlant, ce n'est pas le meilleur, reste que la façon dont la réalisatrice a su monter son sujet fait de ce film une vraie oeuvre originale qui a su scotcher tout le public, de bout en bout, l'acculant même à verser quelques larmes par certains moments. Ce qui n'était pas encore arrivé au Fica. Gageons que ce film touchant et vrai, recevra sans aucun doute un prix. Si le cinéma est un moyen de lutte pour cette réalisatrice iranienne, Sonita a prouvé que par la musique et les mots, on peut aussi lutter et témoigner de son vécu dans l'espoir peut-être qu'on soit entendu et sauvé. C'est ce qui lui est arrivé. Le génie de ce film documentaire est de l'avoir appréhendé presque comme une fiction. En effet, ici les deux se superposent quasiment et se confondent, tant l'émotion est diluée dans un élan de rebondissements et de noeud de tension, imputant à ces séquences quelques instants d'accalmie et de poésie. Exactement comme dans un long-métrage de fiction. Un film aussi beau qu'utile. Nécessaire, car il n'hésite pas à trancher là ou ça fait mal et casser les portes de l'ignorance pour atteindre le prix de la justice et du véritable sens de l'humanisme dans l'intérêt du bonheur d'autrui.