Résumé : La joie d'avoir un second fils demeure entachée par la crainte de ne plus revoir Choukri. Racim est dérouté. Narimène ne lui avait apporté que du bonheur depuis le jour de leur mariage. Jusqu'à. Il se tut, et ressentant son désarroi, elle lui tapote l'épaule : -Je n'ai rien fait d'autre que mon devoir d'épouse et de mère, Racim. Nous avons construit tous les deux ce bonheur. Nous formions une famille très unie... et... Les mots lui restèrent en travers de la gorge. Elle laisse couler deux longues larmes sur ses joues. Racim les essuie avec sa main : -Ne pleure pas Narimène. Trop d'émotion pourrait nuire à ta santé. Tout va rentrer dans l'ordre pour nous, avec l'aide de Dieu. Elle hoche la tête : -Je ne sais pas si je dois me réjouir d'attendre un bébé ou me désoler sur le sort de son aîné. -Nous allons nous réjouir pour nos deux enfants. Choukri sera bientôt parmi nous. Elle ne répond pas et il lui relève le menton : -Allons annoncer la bonne nouvelle à ma mère. Heu, si tu ne l'as pas encore fait bien sûr. Elle secoue ses boucles brunes : -Non, pas encore. Heu... mon père est passé en fin d'après-midi. -Ah ! Ammi Slimane était là ? -Oui, il voulait juste me rassurer sur l'état de ma mère. Elle s'obstine dans son refus à se faire opérer malgré ses fréquentes crises de vésicule biliaire et l'insistance de ses médecins. En fait, son pronostic vital est en jeu, et mon père craint pour sa vie. Racim laisse tomber ses deux mains : -Je devais leur rendre visite dans l'après-midi, mais la réunion s'était éternisée et ensuite je suis passé chez le détective. Heu... si cela peut te rassurer, je vais y aller tout de suite, ils habitent juste à côté et... Narimène secoue nerveusement la tête : -Non, pas ce soir, mon père a fait appel à un médecin qui lui a sûrement administré un sédatif. Elle doit dormir profondément. -Bien, alors remettons ça à demain. S'il le faut, je l'accompagnerais moi-même à l'hôpital. -Je ne sais pas si tu pourras la convaincre, mais si c'est le cas, tu vas nous enlever une profonde épine à moi et à papa. -Je saurais la convaincre. Crois-moi Narimène, d'ici peu, ta mère sera sur pied, et en bonne santé. Kader entraîne le petit Choukri au garage, et le fait monter dans son taxi. Il était essoufflé, et une sueur froide coulait de son front. On était au crépuscule, et comme la zone n'était pas électrifiée, on voyait à peine à quelques mètres. Le vieux taxieur sentit ses forces l'abandonner. Il était resté sans manger deux jours durant. Des courbatures et une mauvaise toux lui rappelèrent aussi qu'il était resté allongé sur le sol glacial trop longtemps. Un peu désorienté par ce qui lui arrivait, il n'avait même pas eu le réflexe de se rendre dans la cuisine pour mettre fin aux gargouillements de son estomac, ou même prendre un chandail dans l'armoire de sa chambre. Khadidja l'avait totalement dérouté, et maintenant, il doit faire vite pour remettre de l'ordre dans sa vie. Il regarde Choukri qui, comme les enfants de son âge, ne pensait qu'à s'amuser. L'enfant était assis devant le volant et jouait à le faire tourner dans tous les sens. Kader lui ébouriffe les cheveux : -Pousse-toi un peu mon petit. Mets-toi sur le siège à côté. Là... tu vois comme tu es obéissant. Nous allons descendre jusqu'au village. Tu vas bientôt rentrer chez-toi. L'enfant lève un regard interrogateur vers lui : -Oui... chez-toi. Tu vas revoir tes parents. ta maman, ta vraie maman. Kader s'arrête de parler et porte une main à sa tête. Il venait d'avoir un terrible vertige. Il se laisse aller contre le siège du véhicule et se demande s'il aurait le courage de conduire sur la route serpentant les montagnes, pour descendre au village, et en sus, en pleine nuit. (À suivre) Y. H.