Résumé : Kader décide de passer la nuit chez lui. Il faisait trop froid pour se hasarder dehors, et le petit Choukri s'était endormi. Il le met au lit et se rappelle de Khadidja. Doit-il lui donner à manger ce soir ? Elle doit sûrement avoir faim et froid dans cette chambre du fond où il avait passé lui-même deux longues journées. Il hausse les épaules : Non, il va la laisser moisir dans son coin. Elle va goûter à la faim et au froid autant qu'elle les lui avait fait goûter, et saura de quoi il avait souffert. Demain matin, il ira remettre le petit à la police et remontera pour la délivrer. Heu... c'était trop hâtivement conclu ! Il secoue la tête. C'est la police qui remontera pour la délivrer et l'embarquer au poste, où il l'aura déjà précédée. Il lance un coup d'œil à l'enfant qui dormait profondément. Que font ses parents en ce moments ? Il les imagine assis l'un en face de l'autre en train de se morfondre dans leur inquiétude et leur angoisse. Ils sont sûrement jeunes et aisés. Le premier kidnappeur avait dû demander une bonne rançon. Mais lui, qu'avait-il fait ? Il a enlevé ce petit ange pour le ramener dans ces montagnes hostiles, et tout cela pour faire plaisir à sa folle épouse. Il secoue la tête. Il savait que Khadidja n'avait plus toute sa raison depuis quelques années déjà. Sa frustration avait fini par creuser son cerveau. Souvent, il avait dû puiser des trésors de patience pour supporter ses sautes d'humeur. Avec l'âge, elle devenait aigrie et insensible. À tel point que, souvent, il trouvait refuge au café du quartier auprès de ses amis et voisins. Il se gratte la tête. Sa femme était bien plus sensée au début de leur mariage. Elle était douce, timide et très attentive à tous ses souhaits. Il secoue encore la tête. Ses vingt ans sont très loin maintenant. Khadidja avait beaucoup changé. Son instinct maternel se réveillait à chaque fois qu'elle rencontrait un enfant. Son attitude avait fini par éloigner d'elle tous les membres de leurs familles respectives. On lui avait même suggéré de l'interner et d'aller refaire sa vie. Mais il avait refusé. Il ne pouvait laisser tomber Khadidja avec qui il avait partagé les meilleures années de son existence. Choukri s'agite, et tire sur sa couverture. Kader se lève et passe une main caressante sur son front. Demain, si Dieu le veut, à cette heure, ce petit bout de chou sera avec ses parents et sa famille. Il imagine déjà leur soulagement de le retrouver sain et sauf. La nuit était bien avancée lorsqu'il songe enfin à se glisser dans son lit. Il faisait très froid, et comme il n'avait pas allumé de feu, la maison lui sembla glaciale. Il s'emmitoufle dans son vieux burnous et s'endort tout habillé. Khaled, le commissaire, se réveille en sursaut. Un bruit lui parvenait du salon. Il était rentré bien tard et s'était allongé pour un moment dans sa chambre. Mais le manque de repos avait eu raison de lui et il s'était endormi. Il se frotte les yeux, puis se redresse sur son lit et tendit l'oreille. Un autre bruit lui parvint. Quelqu'un s'était-il introduit dans la maison ? Son épouse et ses enfants étaient en vacances au bled et depuis plus d'un mois, il vivait en célibataire. Il se lève et donne la lumière, puis se dirige vers le salon en allumant dans le couloir. Un spectacle des plus loufoques s'offre à sa vue. Son chat poursuivait une pelote de laine sans pouvoir l'atteindre et sautait sur tous les meubles. À chaque fois qu'il tirait sur le fil, la pelote se déroulait et s'éloignait davantage de lui. Khaled se met à rire, puis s'étire et se laisse tomber sur un sofa avant de prendre la télécommande pour allumer la télé. Le chat lui avait rappelé l'affaire du petit Choukri. À chaque fois qu'un nouvel élément surgissait, et alors qu'on espérait un dénouement, l'affaire rebondissait, et on revenait à la case départ. Le minet, fatigué par sa course sans but, vint se frotter à son maître. Khaled se met à lui caresser le dos : -Tu dois avoir faim, minouche. (À suivre) Y. H.