Résumé : Un vieil homme a vu l'enfant le matin même. C'était la version donnée par Kader à Racim et à la police. En réalité, il avait trouvé Choukri et l'avait conduit à la maison. Sa femme Khadidja voulait le garder définitivement dans la famille. Kader n'était pas de cet avis. Sa femme s'approche de lui. -Voyons, Kader. Cela fait vingt-cinq ans que nous sommes mariés. T'ai-je un jour demandé une faveur que tu as refusée ? Il secoue la tête. -Non. Je ne te refusais rien dans la mesure de mes moyens. Mais cet enfant n'est pas à nous. Nous devrions le rendre à ses parents. Khadidja se met à rire nerveusement. -Tu veux rire, Kader ? Cet enfant est un don de Dieu pour nos vieux jours. J'ai attendu des années pour connaître enfin ce bonheur. Tu ne vas pas me dire que tu refuses de voir ce petit ange illuminer notre vie. L'homme prend une lente inspiration. -Khadidja, si Dieu voulait nous donner un enfant, il l'aurait fait plus tôt et nous aurions joui du bonheur d'avoir une progéniture. Ce n'est pas le cas. Pourquoi laisser des parents vivre dans l'angoisse, alors que nous pouvons leur rendre leur enfant et faire une bonne action ? Dieu nous en récompensera. Elle prend un air courroucé. -Comment va-t-Il nous récompenser ? Il nous donnera un autre enfant ? -Peut-être pas. Mais il nous gardera en bonne santé, et... -Et quoi ? Tu vas encore me farcir le crâne avec cette affaire d'adoption ? Tu connais mon opinion là-dessus ! Kader secoue la tête. -Je ne te comprends pas, Khadidja. Tu voulais un enfant à tout prix. On aurait pu adopter un enfant il y a plus d'une dizaine d'années. Mais tu avais refusé. Aujourd'hui tu veux garder un gosse qui est recherché par ses parents et par la police, et tu trouves cela normal ! -Oui. C'est parce que cet enfant a des parents. Il n'est pas né d'une liaison réprimée par Dieu. Par contre, si nous avions adopté un enfant dans ces orphelinats de misère, nous serions châtiés. Kader lève les bras au ciel. -Femme ! Tu n'y connais rien. Ni à la religion ni à l'humanisme. Va réveiller ce petit. Je vais le conduire moi-même au... -Non ! Non !, s'écrie Khadidja, qui se met au travers de la porte de sa chambre. Ce petit dort. Tu ne vas tout de même pas déranger son sommeil. Sois indulgent, Kader. Ne me fais pas souffrir. J'étais tellement heureuse lorsque tu es revenu de la mosquée en ramenant ce petit. -Je ne pouvais le laisser sur le palier du rez-de-chaussée. Il ne portait que ce tee-shirt troué, trop grand pour lui, et grelottait de froid. Il était tellement vulnérable que je n'ai pas pu m'empêcher de le prendre dans mes bras et de le ramener. Mais maintenant il faut bien passer aux choses sérieuses. -Oui. Justement, j'y ai pensé, moi. Je vais garder ce petit. Il m'a dit qu'il s'appelait Choukri, et je lui ai demandé de m'appeler maman, mais il a refusé. -Tu vois bien qu'il ne te reconnaît pas comme sa mère. Laisse-le donc rejoindre sa véritable maman. -Il s'habituera vite à moi et oubliera tout le monde. -Tu es folle, Khadidja. Cet enfant doit rentrer chez lui coûte que coûte. Je ne veux pas qu'on nous accuse de détournement de mineur ou de kidnapping d'enfant. Tu veux qu'on termine nos vieux jours en prison ? Elle hausse les épaules. -C'est toi qui le dis. Moi je veux garder cet enfant. Dès ce soir, nous allons quitter la maison. -Quitter la maison ? -Oui. Nous quitterons aussi le village. -Tu fabules, Khadidja ! -Non. Je n'ai jamais été aussi sérieuse de ma vie. Va préparer la voiture pendant que je m'occupe de nos bagages. Nous allons nous installer dans le village de mes parents. Leur vieille demeure tient encore debout, et est assez spacieuse pour nous trois. (À suivre) Y. H.