Résumé : Le vieux taxieur décide de conduire l'enfant au commissariat. Pour cela, il faut descendre au village, et il faisait déjà nuit. Un vertige l'en dissuadera. Il vaut mieux reprendre des forces avant de s'aventurer sur la route sinueuse. Il ne distinguait déjà plus très bien les arbres devant lui. Il secoue la tête : ce serait une pure folie de tenter l'aventure dans l'état où il était. Et s'il avalait hâtivement quelque chose et se reposait un peu ? Il se sentira à coup sûr beaucoup mieux, et aura les idées plus claires. Il redescend du véhicule et invite l'enfant à le suivre : -Viens mon fils, allons d'abord manger, ensuite, nous verrons ce qu'il y a lieu de faire. Choukri abandonne avec regret le volant du véhicule et affiche une moue dédaigneuse. Les larmes brillèrent dans ses yeux : -Je veux rentrer chez moi. Je veux voir maman. papa ! -Allons Choukri. Allons mon petit. Tu seras bientôt avec tes parents. Pourquoi ces larmes ? Tu es en sécurité avec papa Kader. Je suis certain aussi que tu as faim. C'est terrible, Khadidja t'a attaché parce que tu refusais de prendre ton lait et tu réclamais ta maman. Il passe une main dans ses cheveux : -Je ne connais pas tes parents mon petit, mais j'imagine leur inquiétude. Et cela fait déjà plusieurs semaines que tu es ici avec moi et ma vieille folle d'épouse. Bien avant cela, la police te recherchait. À ce que j'ai compris, quelqu'un t'avait déjà kidnappé bien avant nous. Il soupire et se dit que la vie peut parfois s'avérer injuste envers les humains ! La nuit était tombée et enveloppait la montagne. Il prend la main de Choukri, et titube pour regagner la maison. Il craque une allumette dans la cuisine et allume la lampe à gaz déposée sur la table. Il y avait des fruits dans une corbeille, et une galette encore chaude était enveloppée dans une serviette. Une motte de beurre, du lait, et des œufs trônaient sur le potager. Kader prend une pomme et mord dedans. Le goût acidulé du fruit enflamme sa gorge sèche. Il toussote et recrache le fruit. Il va falloir réchauffer un peu de lait et le boire à petites gorgées avant de penser à avaler autre chose. Il tire une chaise et fait asseoir l'enfant devant la table, puis lui tend un bout de galette : -Je vais réchauffer du lait, mon petit. En attendant, tu peux toujours manger cette galette ou un fruit. Il met une casserole sur la cuisinière puis prend deux bols dans le placard et les remplit du liquide chaud. Tout son être frémit à l'odeur du lait bouillant qu'il commence à boire à petites gorgées. Choukri soufflait sur son bol, et le vieil homme l'exhorte à la prudence : -C'est chaud. Fais comme moi, regarde, je bois à petites gorgées. Choukri secoue sa petite tête : -Non, le lait chaud veux pas, veux galette et beurre. Kader tendit sa main vers la motte de beurre et en enduit le morceau de galette que lui tendait le petit : -Mange ! La nuit est froide, et nous allons devoir faire un bon bout de chemin avant d'arriver au village. Kader se met à réfléchir. Tout compte fait, ne ferait-il pas mieux d'attendre jusqu'au matin pour descendre au village ? Sa vue déclinait et la route en lacet ne le tentait pas. D'autant plus que le ciel était couvert et le reflet de la lune se cachait timidement derrière les nuages. Le vieil homme venait de terminer son lait et mordait dans un fruit. Il se sentait un peu mieux après ce repas frugal, et ses idées étaient plus nettes. Le petit somnolait, et sa tête retombait mollement sur le bord de la table. Kader se lève, et le prend dans ses bras pour le mettre au lit. Pauvre petit ange, pauvre petit ange ! Il le dépose délicatement et le recouvre avec une couverture en laine. Sa décision était prise. Lui aussi avait besoin de quelques heures de repos. Au petit matin, il saura quoi faire. Il se rappelle soudain en particulier Khadidja. (À suivre) Y. H.