Il faudra 2 milliards d'euros d'investissements pour satisfaire les besoins des usines de montage de véhicules en pièces de rechange. Quelle appréciation peut-on porter sur la manière dont l'industrie automobile se développe aujourd'hui dans le pays ? Lotfi Halfaoui est expert en industrie et est par ailleurs directeur du cabinet d'expertise industrielle Halfaoui. Il estime que l'Algérie s'est engagée dans l'industrie automobile en faisant fi des pré-requis de base dans un secteur aussi complexe que celui de l'industrie automobile. Et selon lui, la branche automobile est, et elle le restera "politisée". Halfaoui explique que le montage automobile en "kit" sans écosystème industriel de sous-traitants performants ne saurait rivaliser à l'échelle internationale dans un environnement aussi compétitif et concurrentiel. La réglementation actuelle oblige les concessionnaires à faire de l'assemblage automobile. Et, certains d'entre eux ont commencé à le faire pour garder leur part de marché en Algérie. Et, c'est ainsi, dit-il, que nous retournerons aux 600 000 véhicules/an importés différemment, cette fois ci en kit. L'approche industrielle est en fait biaisée, dit-il. Ce qu'il faut à notre économie, ajoute-t-il, c'est l'essaimage de PME produisant des pièces de rechange et accessoires nécessaires au secteur automobile. Et là, il faudrait énormément d'investissements (plus de deux milliards d'euros) pour satisfaire les besoins en pièces de rechange et accessoires des installations futures de constructeurs automobiles. Des plateformes qu'il faudrait intégrer en "zones franches" afin de labéliser le "sourcing Algérie", et ce, aux côtés de donneurs d'ordre. Sans cet effort industriel, indique-t-il, les coûts de production ne seront pas concurrentiels, et l'exportation restera un vain mot. Pour donner du poids à ses arguments, Lotfi Halfaoui, cite en exemple des projets très aboutis à l'échelle régionale et internationale. Ainsi, les usines de production automobiles tournées à l'exportation en Roumanie, en Turquie, en Espagne, au Maroc sont construites sur des centaines d'hectares avec un pôle de sous-traitants sélectionnés par le constructeur tout autour et une logistique optimisée pour produire en flux tendu. En Algérie, relève-t-il, nous n'avons pas d'antécédent industriel dans le secteur automobile et donc pas de culture propre à ce secteur, ni d'aciéristes, ni de fournisseurs de batteries, ni de pneus, ni de motoristes, ni de laboratoires et de centre de contrôle qualité, ni de personnel formé, ni d'accessoiristes, etc. De fait, les voitures qui sont "montées" dans l'usine Renault et celles qui le seront dans d'autres unités seront, juge-t-il, plus chères à produire, et donc une mauvaise affaire économique pour notre pays, ainsi que le souligne l'expert. L'implantation industrielle de Renault à Oran aura coûté chèr. En effet, le montant de l'investissement est estimé à 1,2 milliard d'euros, avec 300 emplois à la clé, et quelques emplois dans la sous-traitance, pour une capacité, en vitesse de croisière, de 75 000 véhicules destinés exclusivement au marché Algérien (pas d'export), alors que, par exemple, l'usine Renault-Dacia de Tanger n'aura coûté qu'un milliard d'euros pour une production de 400 000 véhicules/an avec deux modèles et, bien sûr destinés à l'export, créant près de 6 000 emplois directs et près de 30 000 emplois indirects. L'expert estime que la présence de Renault à Tlélat répond à "un vœu" du gouvernement algérien avant tout. Et de poursuivre que les fondamentaux économiques ont été "transgressés". Le constructeur Peugeot était, lui, sur le point de finaliser son projet d'implantation industrielle en Algérie. Où en sont les choses aujourd'hui ? Pour notre interlocuteur, il me semble que "le poids politique" dont pâtit le secteur automobile en est la raison. Halfaoui affirme que Peugeot PSA est en train de s'installer à Kénitra (Maroc) en intégrant une usine carrosserie et montage, une usine mécanique et un centre d'études avec une prévision de production de 200 000 véhicules/an. Y. S.