Après une nuit fort agitée au chef-lieu de wilaya, Béjaïa a renoué, hier, avec le calme... un calme précaire, cependant. La ville de Béjaïa, prise dans les feux de l'émeute la journée et dans la nuit de lundi à mardi, a retrouvé le calme, hier. Un calme précaire, tant est que des tentatives de souffler sur les braises sont signalées dans quelques quartiers, à l'instar de celui de Naceria où quelques jeunes ont encore tenté de mettre le feu aux poudres pour embraser à nouveau cette ville où, pour la seconde journée consécutive, les commerçants ont poursuivi leur mouvement de grève. La tentative des jeunes du quartier Naceria a eu lieu vers 13h30. Ces derniers ont entrepris d'ériger des barricades. Mais la prompte intervention des brigades antiémeutes a fait avorter leur entreprise. Une autre tentative, tout aussi malheureuse, a eu lieu à 17h. Si le calme est revenudans la soirée, la nuit a été, en revanche, fort agitée au chef-lieu de wilaya. On en était hier aux premières évaluations des dégâts matériels des violences de la veille. Ils sont énormes. Plusieurs magasins et édifices ont été saccagés par des émeutiers. Le showroom Condor, le dépôt de la SNTA, l'agence bancaire BNP Paribas, un bus de l'Etub, des abribus et des panneaux publicitaires et des magasins ont fait l'objet de saccage. Un saccage qui n'a pas épargné la vallée de la Soummam. À Akbou, des jeunes manifestants ont incendié les locaux de l'inspection des impôts, situés à la place Colonel-Amirouche. Après ce forfait, ils se déchaîneront sur le siège de la SDE (ex-Sonelgaz). Mais ils ne parviennent pas à accomplir leur forfait suite à l'intervention des habitants de la cité de l'ex-Caserne. Ces derniers étaient nombreux à s'opposer à un tel acte de sabotage qui risque de provoquer de grands dégâts, notamment aux immeubles jouxtant l'agence de la Sonelgaz. Cela s'est passé en début d'après-midi, alors que dans la matinée, ces mêmes jeunes ont tenté de barricader la RN26, à hauteur du quartier Sonatrach, puis le rond-point du lycée Hafsa. En vain. L'intervention énergique des riverains a permis de libérer la voie publique et faire déguerpir les manifestants. Dans la ville de Sidi-Aïch, c'est la sûreté de daïra qui a été assiégée dès la matinée d'hier par des jeunes en colère. Aux jets de pierres de ces derniers, les policiers postés à l'intérieur et aux alentours de leur commissariat, ripostaient à l'aide de bombes lacrymogènes. En dépit des appels au calme et à la sagesse lancés par les élus et les notables locaux, les scènes de violence continuaient à émailler le mouvement de grève générale initié depuis la veille par les commerçants de la région. Par ailleurs, lundi, dans la soirée, les sièges de la Cnas et de la Sonelgaz de la daïra de Tazmalt, ainsi qu'une boutique de l'opérateur de téléphonie mobile Ooredoo ont été saccagés puis incendiés par un groupe de jeunes qui sont sortis dans la rue pour dénoncer les mesures d'austérité contenues dans la loi de finances 2017. Même topo dans la ville de Seddouk, où des jeunes manifestants ont incendié, dans la même soirée, une boutique Ooredoo située près du siège de la mairie. 200 manifestants interpellés Selon les services de sécurité de wilaya, environ 200 manifestants, des pilleurs essentiellement, ont été arrêtés. Des manifestants qui ont été arrêtés, selon notre source, en flagrant délit de pillage de magasins qu'ils ont saccagés. Toute la marchandise volée a été récupérée, précise-t-on encore. La police leur a dressé des PV d'audition, avant de présenter les manifestants interpellés devant le juge d'instruction pour répondre de leurs actes. Les mêmes sources sécuritaires ont ajouté que plus d'une vingtaine de leurs éléments avaient été blessés lors de ces affrontements avec les émeutiers. Quant aux blessés dans les rangs des manifestants, aucun bilan n'a encore été établi. Notre source au niveau de la sécurité nous a signalé que "les manifestants blessés refusent d'être évacués vers le CHU pour ne pas être enregistrés et puis interpellés par nos services". Néanmoins, nous avons joint par téléphone le directeur de la santé de la wilaya pour nous communiquer le nombre de manifestants blessés, admis dans ses structures, notamment au CHU Khellil-Amrane, il a préféré nous orienter vers la cellule de communication de la wilaya après avoir dit que, pour le moment, aucun bilan n'a encore été établi. Interrogations le calme de la journée d'hier a laissé place aux commentaires sur ce qui s'était passé la veille, notamment en soirée, à Béjaïa. Tout le monde s'interroge sur qui est derrière ce soulèvement, qui n'a rien de "spontané". Chacun y va de son analyse. Mais tout le monde est d'accord pour dire que les relais du pouvoir politique ont été actionnés afin de discréditer un mouvement des commerçants inattendu, et par la même produire l'effet cocotte-minute aux fins de décompresser une situation appréhendée comme des plus explosives, notamment avec les conséquences de la loi de finances 2017 sur le pouvoir d'achat. "Le pouvoir est diabolique. Il sait pertinemment que quand c'est la Kabylie qui se rebelle en premier contre lui, les autres régions du pays vont se rétracter. Il n'aura ensuite qu'à actionner ses relais dans la région pour faire déraper un mouvement tout à fait pacifique et le diaboliser ; c'est toujours la même rengaine", nous a déclaré un vieux militant politique. L. Oubira/K. Ouhnia