L'assassinat, le 15 mars 1962 au château royal de Ben Aknoun, à Alger, de six inspecteurs des centres sociaux éducatifs, Mouloud Feraoun, Salah Ould Aoudia, Ali Hamoutène, Max Marchand, Marcel Basset et Robert Eymard, a fait, hier l'objet d'une conférence intitulée “Les martyrs du 15 mars 1962 : les faits et les origines du drame” à l'université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou. L'initiative revient à l'Association des amis de Mouloud Feraoun, Max Marchand et de leurs compagnons. Premier à prendre la parole, le Dr Jean-Philippe Ould Aoudia, fils de Salah, a longuement évoqué le contexte de l'époque, un contexte de guerre doublé d'une misère sociale qui a laissé sur le carreau de nombreux algériens. Et de ce fait, les centres socio-éducatifs, dont l'idée de création revient à la résistante Germaine Tillon, dépassaient les objectifs éducatifs et de santé qui leur sont assignés au préalable, mais constituaient de véritables viviers de soutien à l'action de décolonisation de l'Algérie. Pour l'orateur, l'OAS, après l'échec du putsch militaire contre le général De Gaulle le 21 avril 1961, s'était fixé comme objectif de faire barrage au processus de négociations qui allaient aboutir à des accords qui seront signés à Evian le 19 mars 1962. C'est alors que l'organisation de Salan a adressé une directive à ses ouailles pour s'attaquer à tous ceux qui étaient soupçonnés de sympathie pour le FLN. Près de 5 000 attentats ont été perpétrés contre des Algériens et des Européens amis de l'Algérie. 2 500 morts est le bilan macabre de cette faction réduite de l'armée française. Les centres socio-éducatifs ne survivront malheureusement pas à l'assassinat des six personnalités engagées intellectuellement en faveur de l'indépendance de l'Algérie, expliquera Jean-Philippe Ould Aoudia, qui a tenu à lire un poème de feu Djamel Amrani dédié à Salah Ould Aoudia, son instituteur, au lendemain de son assassinat. Michel Levallois, historien et ancien sous-préfet de Rocher-Noir (Boumerdès), s'est intéressé pour sa part à Thomas Urbain, interprète militaire puis conseiller politique de Napoléon III (1851-1871). Un personnage converti à l'Islam avant d'épouser une algérienne de Constantine, tout en restant citoyen français. Thomas, devenu Smaïl Urbain, a été derrière la réforme du système de colonisation ; outre, le statut juridique qu'il avait défendu devant le Sénat, Urbain avait conçu le senatus consulte et n'était pas étranger à “la politique du royaume arabe” cher à Napoléon III avant sa chute en 1871 provoquée par les Prussiens. Une politique arabe de la France qui est, à ce jour, d'une brûlante actualité. Auparavant, le politologue Georges Morin, un pied-noir de Constantine, a fait un bref exposé sur le processus de colonisation française avant d'aboutir à la maturation de la lutte armée de Libération nationale. R. N.