Développer ses meilleurs talents est la clé pour créer de la performance durable. La plupart du temps, cette tâche est confiée aux DRH. Mais ces dernières ne peuvent pas, seules, l'exercer efficacement. Car c'est une tâche qui incombe principalement aux managers. Il est devenu aujourd'hui de plus en plus évident que la création de valeur et l'avantage compétitif reposent principalement sur le développement et le déploiement judicieux des compétences au sein de l'entreprise. Dans son célèbre ouvrage Good to Great (1), Jim Collins, analysant les meilleures réussites entrepreneuriales des dernières années, avait montré de façon saisissante que la compétitivité repose désormais moins sur l'avantage technologique ou l'adoption de stratégies sophistiquées mais plutôt sur la qualité des talents mobilisés. Recruter les meilleurs talents, les déployer efficacement au sein de l'entreprise et les motiver devient dès lors le credo de la réussite entrepreneuriale. Des missions difficiles qu'on confie généralement aux DRH qui ne sont pas toujours suffisamment armées pour les mener à bien. De plus, même bien outillées, ces dernières ne possèdent pas toutes les clés pour être à la hauteur de cette tâche. Une situation qui, parfois, conduit à des résultats contre-productifs lorsque, par exemple, après avoir lancé des formations de haut niveau pour les managers, les DRH voient ces derniers quitter l'entreprise une fois leur diplôme en poche ! Dès lors, il apparaît que le management des talents ne doit pas être de la responsabilité des seules DRH. Deux causes complémentaires expliquent cette difficulté. D'une part, les managers se focalisent sur leurs résultats opérationnels et financiers et beaucoup moins sur le management de leurs hommes. Ce qui amène les DRH à devoir les suppléer en prenant à leur compte cette responsabilité. Et c'est là qu'est le problème ! Car, lorsque la DRH est amenée à jouer les rôles de manager, de médiateur et de protecteur, elle contribue à séparer davantage les managers de leurs collaborateurs et renforce la dichotomie entre l'objectif de performance et celui de la motivation des hommes. Une approche alternative est donc nécessaire. Dans un article de la revue McKinsey Quarterly d'avril 2015 (2), Peter Allen, ancien vice-président chez McKinsey et aujourd'hui CEO d'une grande entreprise, nous livre sa propre approche pour résoudre ce dilemme. Elle tient en trois principes. Premièrement, il faut clairement responsabiliser les managers sur le développement personnel de leurs collaborateurs. Ce qui implique, deuxième principe, que c'est à eux et non à la DRH, qu'échoient les tâches de recrutement, évaluation, récompense et discipline de leurs collaborateurs. Troisièmement, les collaborateurs n'ont pas à passer par la DRH pour régler leurs problèmes avec leurs managers. Cela ne veut pas dire que la DRH devient inutile. Bien au contraire, son rôle prend une dimension hautement stratégique. En plus de sa responsabilité de définir la politique ressources humaines de l'entreprise et de la clarification de ses valeurs, la DRH fournit l'infrastructure organisationnelle qui permet aux managers de manager effectivement leurs hommes. En particulier, la DRH assume la responsabilité de renforcer leurs capacités managériales pour les préparer à coacher efficacement leurs collaborateurs. Ce qui, en termes de formation, se traduit par l'exigence de renforcer leurs compétences managériales par des programmes ad hoc. Il s'agit rien moins que de préparer les managers à être de vrais chefs ; car, très souvent, ni leur formation de base ni leur expérience professionnelle ne les y ont suffisamment préparés. Former de vrais chefs c'est les préparer à se comporter comme des leaders, c'est-à-dire des meneurs d'hommes qui savent réellement motiver leurs collaborateurs. Ce n'est qu'à ce prix qu'ils pourront évaluer correctement le potentiel de leurs collaborateurs, les accompagner dans leur développement et utiliser au mieux leurs compétences. Comme chacun peut en convenir, la gestion des talents est l'une des graves faiblesses des entreprises algériennes. Celles qui en ont pris conscience réagissent souvent en lançant des programmes de formation au management de type MBA. Mais, de retour dans l'entreprise, les managers formés retrouvent un style de management qui, souvent, contredit ce qu'ils viennent d'apprendre. Ce qui conduit beaucoup d'entre eux à quitter l'entreprise vers des employeurs offrant de meilleures conditions. Et on sait que ce ne sont pas les contrats de fidélité ou le recours à des formations non diplomantes (comme, par exemple, la formule du mini-MBA) qui pourraient contrer efficacement cette déperdition. L'approche proposée par P. Allen paraît à cet égard particulièrement pertinente. La solution passe donc par la responsabilisation effective des managers dans le management de leurs équipes. Et cela doit commencer en priorité par le top management ! S. S. 1 - De la Performance à l'Excellence. Pearson Editions. 2003. 2 - Toward a new HR philosophy. Peter L. McKinsey Quarterly - April 2015.