Tous les observateurs s'accordent sur la nécessité de revoir en profondeur notre politique économique. Une réforme rendue encore plus urgente par le retournement drastique des cours du pétrole. Mais une réforme encore plus indispensable devra être menée si nous voulons réussir la diversification de notre économie : la réforme du mode du management dans l'entreprise algérienne. Pourquoi doit-on faire évoluer la façon de gérer nos entreprises ? Mais parce que leurs performances sont encore trop faibles pour assurer leur compétitivité. Des performances faibles, en particulier, parce que les salariés algériens sont peu motivés dans leur travail. Et cela est vrai aussi bien pour l'entreprise publique que pour l'entreprise privée. Une enquête internationale menée en 2011 par le célèbre institut de sondage Gallup sur l'engagement au travail révèle que 53% des salariés algériens sont des "désengagés actifs". Ce qui veut dire que plus de la moitié des salariés algériens sont hostiles à leur entreprise et pourraient même agir contre ses intérêts. L'Algérie figure ainsi parmi les pays avec le score de désengagés actifs le plus élevé ! Comme la motivation des salariés est l'élément clé de la compétitivité, avec ce handicap nous partons déjà perdants dans le combat économique. Pour réformer le management de l'entreprise algérienne, nous devons relever trois grands défis. Le premier consiste à passer du traditionnel mode de management dit "Command and control" (c'est-à-dire, un management bureaucratique classique) vers un mode de management centré sur les hommes. Il se trouve en effet que les managers algériens demeurent majoritairement figés sur une conception dépassée du management selon laquelle les chefs ordonnent et les subordonnées exécutent. Une conception fortement ancrée dans les mentalités aussi bien au niveau du top management qu'aux niveaux hiérarchiques inférieurs. L'évolution vers un management plus orienté sur les hommes ne sera donc pas une tâche aisée. Il faudra la provoquer. Une des voies propices consiste à injecter des managers déjà ouverts au management moderne dans les instances de gouvernance des entreprises algériennes. À cet égard, les formules de partenariat avec des entreprises étrangères devraient être utilisées prioritairement pour réussir la transformation de notre mode de management. Le second défi est celui de la formation en management. Même si certains progrès ont été réalisés dans ce domaine, la formation en management reste encore peu développée en Algérie. Or, on ne le dit pas assez, les succès économiques de la Chine ne sont pas dus au faible coût de sa main-d'œuvre mais à la capacité de ses managers à mettre au travail efficacement leurs salariés. Pour cela, la Chine a engagé un effort colossal de formation de managers de haut niveau dans des écoles de gestion – publiques et privées – qui sont aujourd'hui classées parmi les meilleures au monde. Dans cette direction, il faudra aussi faire évoluer les cursus de formation vers l'acquisition d'aptitudes au leadership. Par exemple, les programmes MBA qui sont proposés chez nous demeurent limités à l'acquisition de techniques de gestion classiques. Un viatique qui ne suffit pas à préparer les futurs cadres à leur vraie mission dans l'entreprise : manager des hommes. L'impact culturel est le troisième défi à relever. Les managers algériens doivent être au fait des valeurs culturelles algériennes et s'appuyer sur elles pour susciter plus de motivation chez leurs collaborateurs. En particulier, on a pu découvrir que les salariés algériens manifestent une orientation dite "expressive" vis-à-vis du travail. Ce qui veut dire que leur motivation était fortement stimulée si le travail qu'on leur confie est bien adapté à leurs compétences et qu'on leur donne une large responsabilité pour l'exécuter. Nous sommes là en plein dans la notion d'empowerment qui fonde le management moderne. En fait, le management efficace des salariés algériens passe par le déploiement d'un leadership de type transformationnel. Du reste, de façon rétrospective, on peut se rendre compte que c'est grâce à des managers algériens dotés de ces qualités que nous devons nos meilleurs succès ; et cela, dans tous les domaines. Pour contribuer au débat sur ces questions, deux fois par mois la rubrique "Parlons management !" proposera des réflexions sur un aspect particulier des transformations indispensables à conduire pour ressourcer le management algérien. S. S. [email protected]