C'est une campagne électorale atone à Souk-Ahras. La ville, d'habitude si animée en pareille circonstance, ne semble pas du tout être concernée par le vote du 4 mai prochain. Un scrutin pourtant présenté comme important, voire vital, pour l'avenir du pays par les chefs de partis politiques, qui y ont jusqu'ici tenu des meetings. Un discours qui ne fait, apparemment, plus recette chez les citoyens et notamment les jeunes en âge de voter, au regard du mal que se donnent les organisateurs locaux pour remplir les salles où se tiennent les rassemblements. Fait rare, cette fois à Souk-Ahras, qui est une wilaya, où le taux de participation aux élections de quelque nature qu'elles soient, a toujours été très élevé, on parle de plus en plus d'abstention, quand ce n'est pas carrément de boycott. La plupart des personnes que nous avons rencontrées, y compris dans les rangs de la famille révolutionnaire, fortement représentée dans cette région de l'extrême-est du pays, ne se cachent pas pour dire leur lassitude de ces candidats qui "viennent solliciter nos voix et qui s'évanouissent dans la nature, une fois élus", s'indignent de concert celles-ci. Ce qui est plus remarquable, c'est que plus personne ne peut faire jouer la fibre clanique ou tribale et encore moins patriotique chez ces gens d'apparence rudes et peu politisés, mais qu'on devine conscients des intentions de chacun d'entre lesdits candidats. Et ils le disent chacun à leur manière et avec aplomb. "J'ai personnellement d'autres soucis que celui de participer à ce simulacre de consultation populaire, qui n'est en fait qu'un faire-valoir pour occuper les bancs de l'Assemblée nationale avec des soi-disant élus du peuple et qui ne seront là-bas, à Alger, que pour faire passer les lois qu'on leur dictera, en contrepartie d'un statut de privilégié. Les vraies compétences, celles qui sont vraiment représentatives du citoyen, et il en existe sur des listes de partis de peu d'envergure et sur celles d'indépendants, ont peu de chance d'émerger du lot. Comme d'habitude ce sont les médiocres et les incompétents qui vont décrocher le titre de parlementaire par la force de la chkara", objecte sur un ton amer cet enseignant que nous avons croisé dans la rue. Ce point de vue est partagé par beaucoup d'autres, parmi les intellectuels en particulier, qui sont tous convaincus qu'il ne faut pas se faire d'illusions et que dans cette wilaya, traditionnellement acquise au FLN et dans une moindre mesure au RND, il n'y aura pas photo. "Les 6 sièges qui sont proposés pour la wilaya de Souk-Ahras, iront sans nul doute dans leur majorité aux deux grands partis en lice, tout le monde est conscient du deal qui a été passé en haut lieu entre les croupiers de la démocratie. Le petit peuple, qui ira aux urnes le jour du scrutin, ne sera, quant à lui, qu'une caution d'un jeu pas drôle, auquel on tente de l'associer à coups de promesses qui ne seront jamais tenues", assure, pour sa part, un retraité de la Fonction publique. À Mechroha, à Merahna ou encore à M'daourouch qui sont avec Sedrata, les agglomérations les plus importantes de la wilaya, l'ambiance est tout aussi morne. N'étaient ces panneaux blancs clairsemés d'affiches que l'on a dressés dans les rues principales et ces permanences de campagne pavoisées aux couleurs nationales et diffusant une musique improbable à fond la caisse, rien n'indique qu'on est en pleine période d'avant une élection. Les habitants de ces localités vaquent à leurs occupations quotidiennes et s'attardent à peine pour serrer la main à l'un ou l'autre de ces prétendants à la députation qui se montrent sympathiques et disponibles. Les candidats portés sur les 22 listes, dont 2 indépendantes, font en tout cas du mieux qu'ils peuvent pour ratisser le maximum de voix. A. ALLIA