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"Je m'inscris dans cette vague qui fait un cinéma en harmonie avec la réalité" Karim Moussaoui, réalisateur d'"En attendant les hirondelles", à "Liberté"
Après la réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Henia, c'est à l'Algérien Karim Moussaoui de vivre son baptême du feu cannois avec la projection de son film En attendant les hirondelles, programmé dans la section "Un Certain regard". Le film s'ouvre avec un plan d'une voiture noire qui roule. On pénètre dans le véhicule pour découvrir le premier personnage, un homme d'affaires d'une soixantaine d'années, qui ne cessera de disparaître pour ensuite réapparaître. Ses affaires, son ex-femme avec leur fils et sa nouvelle épouse sont au cœur de l'histoire. Alors qu'on s'habitue à lui, il disparaît pour laisser place à un jeune couple qui profite d'un voyage vers le sud du pays pour régler ses problèmes sentimentaux. Encore une fois, ces nouveaux personnages s'éclipsent au profit d'un jeune médecin qui se prépare à se marier quand une victime violée par des islamistes dans le maquis vient l'accuser d'être parmi les violeurs. Le film se termine sans qu'on connaisse le fin mot de ces histoires. Ainsi l'inachevé et le mouvement sont au cœur du film. Ainsi la route devient un personnage important du film. On roule tout le temps pour découvrir la beauté des paysages et l'immensité du pays. Les personnages aussi tentent d'avancer, mais tout semble stagner. Rien ne change et rien n'évolue. Pourtant, les tentatives sont multiples. En arrière-plan, plusieurs des images dévoilent une Algérie qui devient un chantier permanent et les travelings la diversité des paysages. Moussaoui livre un film pas facile à cerner. Même si, de prime abord, il apparaît comme banal, on se rend très vite compte de la profondeur de sa structure et de son contenu qui révèlent une société qui ne cesse de marcher sans avoir l'impression d'apercevoir un quelconque changement. Liberté : En attendant les hirondelles est un film qui nous laisse perplexe et perdu. L'inachevé est récurrent. Pourquoi ce choix ? Karim Moussaoui : Je pose la question là où je m'arrête. Je m'interroge sur l'indécision et la résignation des personnages. Au moment où ces derniers sont amenés à prendre des décisions et à choisir, on passe à autre chose. Mis à part dans la troisième histoire, les personnages ne "ressoudent" jamais leurs problèmes respectifs. Trois histoires enchâssées dont les personnages n'ont pas forcément des liens. Chaque fois qu'une histoire commence, on abandonne ceux de l'histoire précédente... C'est vrai que les relations entre les personnages ne sont pas fortes. Chaque personnage est amené à vivre et à résoudre individuellement ses problèmes générés par la contradictoire qui existe entre ses intérêts et ses désirs. Est-ce que vous êtes d'accord avec la lecture qui voit une sorte de dénonciation de la lâcheté masculine ou de l'immobilisme des hommes ? Je ne crois pas. Les personnages ne sont ni lâches ni courageux. Je m'y identifie à tous mes personnages. Par contre, peut-être, on y trouve une tentative de comprendre un certain immobilisme qui caractérise les personnages. Vous avez travaillé avec des professionnels et des amateurs. Est-ce un choix délibéré ? Dans mon travail, je n'essaie pas de m'imposer des choix similaires. J'ai juste fait des recherches pour trouver mes personnages principaux. Puis, j'ai fait des castings pour les personnages secondaires. J'ai privilégié la simplicité. La musique a une place importante dans le film. À quoi cela est-il dû ? Oui, c'est vrai. J'ai essayé chaque fois d'exprimer l'énergie que je ressens en travaillant les scènes. Pour celle du couple par exemple, j'ai préféré mettre la chorégraphie et la musique plutôt que de faire vivre aux spectateurs un discours qu'il peut facilement deviner. Est-ce que ce film traite du pessimisme des Algériens ? Non, c'est plutôt sur le mouvement des gens dans l'espace intérieur et extérieur. La route est là pour exprimer justement le déplacement dévoilant un territoire, l'Algérie en l'occurrence. Une quelconque influence du film Une histoire vraie de David Lynch ? Non. Je n'ai pas pensé à cela. J'ai juste vu ces routes en faisant des repérages. Les décors parlent des gens qui vivent dans ces territoires. La route me permet de balayer large. Après tant d'efforts, vous apprenez que vous êtes dans "Un certain regard". Quelle a été votre réaction ? On savait déjà que le film est pris dans la Semaine de la critique. Puis, on est passé à une autre section plus gratifiante. J'étais donc très content, mais il y avait cette peur d'affronter un large public à gérer. Croyez-vous que vous dessinez la rupture dans le cinéma algérien ? Non. Je m'inscris dans une vague de cinéastes, entre autres Lyès Salem, Malek Bensmaïl et Hassan Ferhani qui font un cinéma en harmonie avec la réalité.