Projeté mercredi dernier à l'Opéra d'Alger, ce long métrage retrace un pan de l'histoire de l'Algérie, à l'aube de son combat pour l'indépendance. Mercredi dernier, à l'Opéra Boualem-Bessaïh avait lieu l'avant-première du film Ibn Badis du réalisateur palestino-syrien Basil Al-Khatib, après celle qui s'était tenue mardi à Constantine, à la veille de la projection oranaise. Ce long métrage de 120 minutes a vu le jour dans le cadre de la manifestation "Constantine, capitale de la culture arabe 2015", en partenariat avec le département cinéma et le commissariat de la manifestation, ainsi que le CADC (Centre algérien de développement du cinéma), et auquel ont pris part le scénariste et écrivain Rabeh Drif, Salim Dada pour la bande son, et Youcef Sehaïri dans le rôle-titre. "Ce biopic qui retrace l'histoire de Abdelhamid Ibn Badis veut rapprocher le spectateur de cette personnalité et comprendre les difficultés endurées dans l'accomplissement de ses buts", reprend le synopsis. Par ailleurs, le réalisateur dira à propos du message de son œuvre : "Je voulais mettre en avant la longue histoire de l'Algérie et son rôle dans des questions primordiales, à travers cet homme dont le but principal était la protection de l'islamité." Avant de poursuivre : "Je veux insister sur la portée fictive et narrative de mon film, qu'il ne faut pas prendre pour un documentaire sur la vie d'Ibn Badis. Notre but était de mettre en avant certains aspects de sa vie, et aborder d'autres sujets nous aurait détournés de notre but." À ce propos, il citera l'exemple du conflit avec les zaouïas, en déclarant qu'"il était impossible d'aborder tous les aspects de sa vie, comme sa relation avec les zaouïas par exemple, car ce n'était pas mon objectif". Décembre 1889, sous un ciel orageux, naquit Abdelhamid Ibn Badis dans une famille bourgeoise de Constantine. Dans cet entourage pieux, l'enfant est adoré de ses parents, notamment son père Si Mustapha El-Mekki Ben Badis (Mohamed Tahar Zaoui), un personnage réellement travaillé par le comédien, qui lui apporte une profondeur et une chaleur certaines, lui exprime sa fierté de l'avoir comme fils. 1913, à la mosquée Ezzitouna de Tunis, le réformiste, maintenant campé par le jeune Youcef Sehaïri ; acteur ayant déjà interprété le rôle de Dghine Benali, alias Lotfi, dans le film éponyme, apparaît, le visage grave, dans son emblématique burnous et chéchia blanche. Le choix de cet acteur, dira El- Khatib, "s'est fait après l'organisation d'un casting auquel ont pris part de jeunes acteurs. Nous avons finalement porté notre choix sur Youcef Sehaïri, car il était le plus adapté pour ce rôle". Dès le début et tout au long de l'œuvre un Ibn Badis obstiné contre tout ce qui est occidental nous est dépeint, à l'image de la scène où il gronde son élève portant un chapeau "comme les Français", où encore celle où il discourt dans un parfait arabe littéraire, devant une population s'exprimant dans sa plus grande majorité en dialectal. Interrogé sur ce point, le réalisateur justifiera ce parti pris : "Il était primordial d'introduire des passages où il s'exprime en arabe classique, car il était un défenseur de l'arabité. Une décision prise d'un commun accord avec tous nos partenaires", s'est-il justifié. Malgré ces quelques contresens, le vécu de la population en ces temps de répression est bellement retracé, à l'instar de la scène de tentative de viol de la mère de Djouher, qui préfèrera, dans une ultime tentative de sauver son honneur, recouvrir son visage de boue. Cette même femme sera nourrie, lavée et portée par un mari touchant par son humilité et patience, après un handicap induit par les balles du colonisateur. Ce n'est que vers la deuxième moitié du film qu'on s'aperçoit que l'imperturbable Ibn Badis sera, pour le restant de ses jours, hanté par la disparition de son fils dans un accident de cavalerie, un tragique épisode qu'il s'efforçait jusque-là d'oublier. En somme, un biopic fidèle dans sa majeure partie au parcours de ce personnage qui transmettra les premiers élans insurrectionnistes aux générations ultérieures, avec une mise en scène qualitative, mettant en avant la luxuriante Constantine. À noter qu'à la fin de la projection, toute l'équipe technique du film qui s'est présentée sur scène arborait des t-shirts sur lesquels était inscrit : "Techniciens sans statut" (sic). Yasmine Azzouz