Les différents citoyens rencontrés, hier, à Akbou, ville natal de Farid Ikken, auteur présumé de l'attaque au marteau perpétrée mardi après-midi contre un policier devant la cathédrale Notre-Dame de Paris, ont été unanimes à déclarer que le mis en cause "ne pouvait en aucun cas s'impliquer dans un acte de violence commis au nom de la religion, encore moins rejoindre l'organisation islamiste de Daech". Ici, dans la vallée de la Soummam, tout le monde est, d'ailleurs, stupéfié par la nouvelle, à tel point que d'aucuns estiment que ce jeune doctorant en sciences de l'information à l'Université de Lorraine (Metz) aurait commis cet acte sous l'effet d'une dépression qui serait due à sa situation sociale précaire. Ainsi, pour son frère aîné, Karim Ikken, âgé de 45 ans, "il est vraiment impossible que Farid puisse commettre un acte au nom de la religion ou faire allégeance à Daech !". Selon lui, son frère cadet était un bon vivant, sage et tolérant. "Il était très cool et acquis aux idéaux démocratiques. Il consommait de l'alcool et aimait la musique comme tous les jeunes de notre région. Il a toujours été contre l'intégrisme islamiste. Je me souviens qu'une fois, il m'a dit dommage, même la Kabylie est infestée par les groupes islamistes armés !", témoigne encore Karim Ikken qui tient, toutefois, à ajouter que son frère avait quitté le pays en 2001 pour s'installer en Suède, avant de rentrer en 2010 pour assister à une fête familiale. Puis, en 2011, il revient, encore une fois, en Kabylie, pour une affaire d'héritage qu'il devait régler avec ses quatre frères. Finalement, ce différend familial a fini par atterrir entre les mains de la justice. Après trois longues années de bataille judiciaire, l'affaire n'arrivait toujours pas à connaître son épilogue. En février 2014, Farid a décidé de repartir en France pour reprendre ses études, sans pour autant pouvoir régler son différend avec ses frères. Ce qui lui a causé des troubles psychiques, en sombrant dans une angoisse terrible, affirme son frère aîné, Karim. "C'est à partir de l'année 2013 qu'il a commencé à se renfermer sur lui-même au point de devenir stressé. Il a alors décidé de faire la prière et de se retirer progressivement de ses amis. Néanmoins, il reste gentil et tolérant", souligne-t-il, avant de conclure que "s'il est arrivé à commettre un tel acte de violence à Paris, je pense qu'il est certainement dans un état dépressif". De son côté, Ahmed Hamitouche, un jeune commerçant d'Akbou, qui a beaucoup côtoyé Farid Ikken, se dit, lui aussi, "très étonné d'apprendre la nouvelle", puisqu'il connaît très bien le profil de son ami d'enfance qui, selon lui, "n'a jamais eu de penchant pour l'islamisme ou la violence". Pour lui, il s'agirait d'un "cri de détresse" qu'il a voulu lancer à travers cette agression d'un policier. "Car, s'il voulait vraiment commettre un acte terroriste au nom de Daech, il aurait recouru à l'usage d'une arme à feu ou à l'attentat à l'explosif, comme ont l'habitude de faire les soldats de l'Etat Islamique (EI)", a-t-il soutenu. "J'ai été vraiment choqué d'apprendre la nouvelle. Quand j'ai confirmé qu'il s'agissait bel et bien de Zahir (surnom de Farid Ikken), je n'en revenais pas", nous dira Aziz Haddad, un autre ami de Farid. Ne croyant pas à la thèse terroriste, notre interlocuteur estime que "le mis en cause souffrirait de troubles psychiques dus à plusieurs facteurs, dont son affaire de divorce d'avec son épouse de nationalité suédoise, son échec socioprofessionnel..." KAMAL OUHNIA