Les journalistes et les correspondants qui l'ont côtoyé durant ses trois années d'exercice à Béjaïa ont été stupéfaits en apprenant la nouvelle hier. Accusé d'agression sur un policier à Paris, Farid Ikken a été arrêté par la police française. La nouvelle de son arrestation et son implication dans cette affaire d'agression a surpris, hier, plus d'un dans la région de Béjaïa où il a exercé en tant que journaliste et propriétaire d'un journal électronique. Une qualité qui le place de fait dans le clan anti-islamiste. L'engagement des journalistes algériens contre l'islamisme n'est pas verbal, mais total, marqué par un lourd tribut. La presse algérienne a en effet assumé une épopée glorieuse contre l'obscurantisme et c'est l'un des rares, sinon le seul pays au monde, à avoir perdu plus de 100 journalistes, assassinés par les intégristes. En plus du fait qu'il est issu d'une région où l'emprise islamiste est quasi inexistante, étant marié à une Suédoise, ayant été fondateur de la première cellule du MAK (Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie), un mouvement foncièrement opposé à l'islamisme et enfin, étant issu d'une famille moderne et tolérante, sont autant d'éléments qui plaident pour un cas qui relèverait plutôt de la psychiatrie que de la radicalisation islamiste. Que ce soit à Béjaïa-ville ou dans sa région natale d'Akbou, la stupéfaction et l'incompréhension sont totales. «C'est impossible, cela ne peut être qu'une erreur. Comme je le connais, Farid est incapable de tuer une mouche», commente un de ses amis à Akbou, joint hier par téléphone. De corpulence assez petite, habituellement calme, Farid a exercé pendant plus de deux ans son métier de journaliste à Béjaïa. Il était rentré en Algérie vers la fin de l'année 2011 avec pour but de s'y installer définitivement. Motivé par la création d'un fonds de soutien aux journalistes, voulant investir dans la presse électronique, Farid Ikken prend son courage à deux mains et se lance dans l'aventure. Il crée une boîte de communication, dénommée «Agence de publicité et de communication Soummam» avec en parallèle sur ses fonds propres «le premier journal électronique «Béjaïa aujourd'hui». Il forme une équipe de deux journalistes, une secrétaire et un infographe. Plus le temps passe plus Farid se rend compte du dur chemin qu'il a parcouru, qu'il dépense plus que ce qu'il gagne, il décide de claquer la porte et de partir en Europe après avoir pigé quelques mois au quotidien El Watan. Titulaire d'un doctorat en journalisme obtenu en Suède, Farid Ikken a eu un parcours scolaire exemplaire. Après son bac il s'inscrit à la Fac centrale d'Alger où il poursuit ses études d'interprétariat au début des années 2000 à Alger. Diplôme en poche, il obtient un visa d'études et se rend en France où il séjourne quelques années avant de rejoindre la Suède. Il se marie avec une Suédoise et entreprend de poursuivre ses études afin de décrocher brillamment son doctorat en journalisme. Avec sa carte de journaliste professionnel, il entame une vie active. Il retourne en Algérie vers la fin de l' année 2011, animé d'un désir d'investir dans sa profession. Il ne fera pas long feu puisque trois ans après, il ferme boutique et retourne en Europe, en Norvège plus exactement, où il fut recruté par une société, selon son neveu Sofiane qui s'exprimait hier dans les colonnes d'un confrère, soulignant que «sa société norvégienne l'a envoyé en France où il a séjourné et travaillé pendant deux ans». Entre- temps, il divorça d'avec la Suédoise. Hier, l'affaire de Farid Ikken était sur toutes les lèvres, notamment celles des professionnels de la corporation journalistique de Béjaïa. Dalil Saïche, chef de bureau du quotidien La Dépêche de Kabylie na pas caché son étonnement après avoir appris que son ami Farid est l'auteur présumé de l'attaque d'un policier à Paris «Je l'ai connu à l'université d'Alger, après son retour de Suède et son installation à Béjaïa, il ne parlait jamais de religion. Dans son bureau, aucune trace de livre religieux et de traces de ce genre. Pendant presque deux ans, nous étions ensemble chaque jour et je n'ai jamais su qu'il faisait la prière. Il vivait sa foi en bon musulman», indique-t-il. De son coté, une confrère du Soir d'Algérie souligne: «Je suis choqué en ayant su la nouvelle, c'est quelqu'un qui ne parle jamais de religion. Moi qui le fréquentais souvent, je n'ai appris qu'il priait que plusieurs mois après, par hasard. C'est un véritable démocrate. Il a toujours condamné les actes terroristes», raconte Aziz Kersani du Soir d'Algérie.