Farid Ikken, l'auteur de l'attaque de Notre-Dame de Paris, a été placé hier dans la matinée en garde à vue, à l'hôpital de la Salpetrière où il se trouve en soins. Des blessures au thorax lui ont été infligées par la patrouille de police qu'il a ciblée avec un marteau mardi en fin d'après-midi sur le parvis de la cathédrale. Une vidéo de surveillance a révélé le moment où l'assaillant, fondu dans la foule, s'est élancé, visant un des agents qu'il a blessé légèrement au coup en criant : "C'est pour la Syrie !" Il a été néanmoins rapidement maîtrisé par un des policiers qui lui a tiré dessus avec son arme à feu. Les premières informations relayées sur l'attaque ont fait état d'un acte isolé de déséquilibré. Mais très vite, l'affaire a été confiée au parquet antiterroriste. Le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb, qui s'est rendu immédiatement sur les lieux de l'attaque, a dévoilé l'identité de l'assaillant, qu'il a présenté comme un étudiant algérien. Depuis, on sait qu'il s'agit d'un doctorant en communication de quarante ans. Il préparait une thèse sur la couverture des élections dans les pays du Maghreb. Arrivé en France en 2014, il avait préalablement séjourné en Suède et en Algérie où il a travaillé comme journaliste. Des agents de la Brigade de recherche et d'intervention (BRI) se sont rendus dans le studio qu'il occupait dans une résidence universitaire de Cergy-Pontoise, dans le nord de Paris. Sur place, ils ont découvert une vidéo de lui, prêtant allégeance à Daech. Cette vidéo a été faite la veille de l'attaque. Dans les médias français, le profil de Farid Ikken est qualifié de surprenant. Son parcours n'a rien à voir avec celui des autres individus qui ont commis jusque-là des attentats en France. Si les autres étaient plutôt d'anciens délinquants de banlieue, lui est un intellectuel. Arnaud Mercier, son directeur de thèse qui a été interrogé sur le sujet, a paru stupéfait. Il a évoqué un étudiant "pro-occidental et pro-démocratique". En même temps, il a parlé d'une personne qui se sentait seule et qu'il n'avait pas vue depuis juin 2016. Farid Ikken avait quitté une année plus tôt le campus de Metz où il préparait sa thèse pour Paris afin d'être près de son professeur qui avait été muté à l'université de Paris-Assas. Selon la police, il s'est dit hier prêt à coopérer avec les enquêteurs. Sa garde a vue, qui peut durer jusqu'à 96 heures, devra permettre d'établir s'il y a d'éventuelles complicités. Dans le sac qu'il portait au moment de l'attaque, les policiers ont trouvé des couteaux de cuisine. Chez lui, les officiers de la BRI ont également découvert une clé USB compromettante contenant des fichiers de propagande de Daech. De toute évidence, le cas de Farid Ikken pose un sérieux problème aux services en charge de la lutte contre le terrorisme en France. L'assaillant de Notre-Dame n'avait pas d'antécédents judiciaires et n'avait pas montré de signes de radicalisation. C'est en quelque sorte monsieur tout le monde. Un de ses voisins de la résidence universitaire de Cergy a décrit un homme plutôt cool, accoutré comme un maître des écoles. Avec ce profil lisse et insoupçonnable, il était donc impossible de le repérer. Ce qui rend la tâche des services de renseignements encore plus difficile. "Nous sommes passés d'un terrorisme très sophistiqué à un terrorisme rudimentaire", a, d'ailleurs, observé Gerard Collomb. Le ministre de l'Intérieur, qui avait demandé à ses services de renforcer les mesures de sécurité après l'attentat de Manchester le 22 mai dernier, sait très bien que le redoublement de vigilance ne fera pas cesser les attentats. Après les attaques de masse qui avaient eu lieu en 2015 et en 2016, la France est confrontée à une nouvelle forme de violence terroriste, qui vise des policiers dans des lieux emblématiques comme les Champs-Elysées (avril) et le Musée du Louvres (février). De Paris : Samia Lokmane-Khelil