L'auteur de l'attentat de Nice en « soldat de l'EI », présenté par le procureur de Paris, François Molins, comme étant « totalement inconnu des services de renseignement (...) et n'ayant jamais fait l'objet de la moindre fiche ni du moindre signalement de radicalisation », correspond au profil du néo-terrorisme. Le recours au camion, fonçant droit sur la population civile massée dans la grande avenue niçoise pour les célébrations de la Fête nationale, le 14 juillet dernier, pose la problématique du « terrorisme urbain » et le changement du modus operandi révélé par le Franco-Tunisien Mohamed Lahouaiej-Bouhlel. « Nous savons que Daech planifie de nouvelles attaques, en utilisant des combattants sur zones en empruntant les mêmes routes qui facilitent l'accès à notre territoire », avait expliqué le directeur général de la Sécurité intérieure (DGSI), Patrick Calvar. Face au « fléau » évoqué par le président François Hollande, le diagnostic est établi, l'ombre de Daech, en digne héritier du GIA des années 1990 et de sa copie l'AQPA (Al-Qaïda dans la Péninsule arabique), plane sur la France considérée par le patron de la DGSI comme « le pays le plus menacé ». Dans l'œil du cyclone, la France qui a mis en échec 15 projets terroristes depuis août 2013, s'interroge sur le lieu et la date du prochain attentat. Dans cette guerre contre le terrorisme avec lequel « nous n'en avons pas terminé », a reconnu le président français, au bilan lourd (231 morts et des centaines de blessés), l'armée de Daech compte, selon les estimations de la DGSI, au moins 645 ressortissants français ou résidents en France sont présents dans la zone syro-irakienne et 201 individus en transit, soit à destination de la Syrie, soit de retour de Syrie pour la France. Cette réalité inquiétante rend aléatoire la thèse de « l'acte isolé » du tueur de Nice qui perd de sa pertinence avec l'arrestation de sa femme et de 4 suspects placés en garde à vue, selon une source judiciaire française. Par ailleurs, de Merah à Mohamed Lahouaiej Bouhlel, en passant par la vague d'attentats de 2015 et 2016, le terrorisme est perçu comme un phénomène durable qui cible les institutions (militaires et policières), les journalistes (Charlie Hebdo) et les citoyens (attaque du Bataclan et Nice). La terreur de masse est la nouvelle destruction massive de Daech nettement redoutée dans la nouvelle phase des « voitures piégées » à l'irakienne. La présence des « combattants » islamistes sur son territoire inquiète, d'autant que la métropole azuréenne, Nice, est le terreau par excellence détenant le record absolu d'éléments recrutés par Daech et recensant près d'une centaine de départs de combattants en Syrie dont 15 d'entre eux ont été arrêtés à leur « retour de zone ». Une cinquantaine de « velléitaires » sont soumis à une surveillance, selon la DGSI. Le Tunisien Mohamed Lahouaeij Bouhlel est ce terroriste de l'« intérieur » participant à la nouvelle stratégie visant à opérer sur le sol des pays ciblés. L'option constitue l'un des axes de l'enquête menée conjointement par les policiers de la sous-direction antiterroriste et la DGSI. Elle s'appuie sur la mue opérée par les réseaux du GIA, terrassés en Algérie et mus en prédicateurs du tabligh arpentant dès lors les quartiers niçois de l'Ariane, Saint-Roch et Saint-Augustin. Que faire ? La France, divisée au sommet et en rupture avec l'union sacrée prônée par le pouvoir et l'opposition, a mal dans la riposte sécuritaire révélant les failles des services de renseignement. Nombre de quotidiens s'interrogeaient sur le fait que le camion de 19 tonnes ait foncé en pleine Fête nationale dans une enceinte réservée aux piétons et censée être sécurisée par les forces de l'ordre en période d'état d'urgence. Le divorce est total entre l'Elysée et l'opposition accusée de « manque total de responsabilité ». Au sommet de l'Etat, le deuxième Conseil de défense à l'Elysée convoqué par Hollande et son élargissement au gouvernement prépare le renforcement du régime d'exception, décrété au lendemain des attentats du 13 novembre, et la prolongation de l'état d'urgence pour trois mois.