Les sept ministres en charge de l'Environnement qui se sont succédé depuis 2012 n'ont fait que déployer des solutions d'urgence. La problématique de la gestion des déchets ménagers et, plus généralement, de l'environnement urbain est parmi les plus complexes en raison de son lien avec la santé humaine, la planification spatiale et le développement durable. Chez nous, pour promouvoir une gestion intégrée, les pouvoirs publics, par le biais du ministère de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement, ont mis en place un programme national de gestion des déchets solides municipaux (Progdem). Ce programme national vise à éradiquer les pratiques de décharges sauvages, à organiser la collecte, le transport et l'élimination des déchets solides municipaux dans des conditions garantissant la protection de l'environnement et la préservation de l'hygiène du milieu par, notamment, la réalisation, l'aménagement et l'équipement de centres d'enfouissement technique (CET) dans l'ensemble des wilayas. Ce programme, conçu il y a maintenant 15 ans (2002), devait se décliner en plans directeurs de wilaya et communaux. Ce n'est pas le cas partout et, même dans les communes où ces plans ont été élaborés, la plupart ne l'appliquent pas (1 200 communes ! selon les déclarations d'un responsable du secteur de l'environnement, Samir Grimes, à la Radio nationale, le 26/12/2015). Selon le même responsable, les raisons vont "du manque de moyens, de la défaillance en matière de formation en enfouissement, du manque de personnel ou des trois à la fois au niveau de certaines communes". Un échec à répétition Mais même là où les moyens n'ont pas fait défaut comme dans les grandes villes, à l'instar d'Alger, la stratégie mise en place n'est pas venue à bout de l'amoncellement des ordures ménagères dans les cités, les rues et la prolifération de décharges sauvages. Les raisons essentielles de cet échec tiennent, d'une part, à l'amputation du Progdem de nombre de ses fonctions stratégiques comme la mise en place du tri à la source et, d'autre part, à l'instabilité dans les organes de pilotages de ce plan et un incivisme manifeste des populations en liaison avec un modèle de consommation en perpétuelle transition (16 000 baguettes de pain sont quotidiennement jetées dans les poubelles selon la nouvelle ministre Fatma Zohra Zerouati). Les sept ministres en charge de l'Environnement qui se sont succédé depuis 2012 n'ont fait que déployer des solutions d'urgence. Devant la gestion chaotiques des centres d'enfouissement technique (CET), des ministres, à l'image d'Amara Benyounès, ont abandonné ce schéma pour lancer des appels d'offres pour l'acquisition d'incinérateurs pour chaque wilaya. Cette voie, certes discutable, a été vite enterrée par son successeur, D. Boudjemaâ. Toutes ces incohérences ont fini par miner une politique qui nécessite un suivi et une durabilité. Qui ne se souvient pas de la promesse de l'éradication des "sachets noirs" ? Tous les ministres de l'Environnement l'ont faite. C'était le tour de Mme Zerouti de la réitérer lors de l'inauguration du nouveau siège de l'Agence nationale des déchets (AND), le 6 juin dernier. "On va réceptionner prochainement une unité de lavage et de transformation des sacs en plastique à raison de 2 tonnes par jour. L'Algérie consomme 7,7 milliards de sacs en plastique par an... Nous avons d'ores et déjà entamé des contacts avec plusieurs investisseurs pour la fabrication de sacs en remplacement des sacs en plastique." Elle ajoute à propos des déchets en général : "La politique du secteur sera centrée, s'agissant des déchets, sur la formation, la sensibilisation et la participation du citoyen, tout en axant l'éducation des enfants sur les notions de protection de l'environnement et de lutte contre les déchets." Un aspect déjà énoncé dans le Progdem depuis quinze ans et que certains ministres ont érigé en département (sous-direction de la sensibilisation), sans grands résultats. En plus de la dégradation de la qualité de la vie et des problèmes de salubrité publique que génère cette "anarchie" urbaine, l'inexistence de filières de récupération/recyclage, comme le projet mort-né Eco-Jem pour valorisation des emballages et autres matériaux spécifiques, est non seulement une perte d'un gisement économique important, mais aussi une entrave à une meilleure élimination des déchets, en raison de volumes sans cesse grandissants à mettre dans la décharge (CET) ; 12 millions de tonnes par an, soit 085 kg par habitant/jour. Rabah Saïd